“La loi de transition énergétique va transformer le marché des énergies renouvelables”

Le ministère de l’Écologie a mis en consultation plusieurs projets de décrets et d'arrêtés en application de la loi de transition énergétique pour la croissance verte. La réaction de Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

La loi de transition énergétique va-t-elle donner un coup d’accélérateur aux énergies renouvelables ?
Jean-Louis Bal : A priori, oui. Les objectifs fixés à moyen terme sont bons avec une cible de 32 % en 2030, déclinée pour l’électricité, la chaleur, le gaz et les carburants. Si tout le monde se met en ordre de marche, ces objectifs généraux devraient permettre à la France de rattraper le retard constaté aujourd’hui sur les objectifs pour 2020. Mais c’est sous réserve que la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, soit suffisamment ambitieuse et cohérente. L’enjeu est de définir les trajectoires plus finement, par filières, et surtout à plus court terme : 2023 avec une révision possible en 2018. Il s’agit aussi de définir les moyens publics qui seront alloués au développement des renouvelables, notamment à travers la CSPE, la contribution au service public de l’électricité.

L’instauration du complément de rémunération risque-t-elle de déstabiliser la filière ?
Jean-Louis Bal : La loi de transition énergétique va en effet adosser les énergies renouvelables au marché de l’électricité, avec l’instauration du complément de rémunération. L’éolien, dont le tarif d’achat a été sécurisé juridiquement, devrait bénéficier d’un délai supplémentaire. Ce qui se dessine, c’est que son tarif soit maintenu jusqu’en 2018. La question est de savoir si des opérateurs pourront en profiter pour expérimenter et apprivoiser progressivement la vente directe d’électricité sur le marché. Pour le solaire, en revanche, l’instauration du complément de rémunération prendra effet dès le 1er janvier 2016. Mais seulement pour les installations de plus de 500 kW.

Mais quel en sera concrètement l’impact pour les exploitants de centrales ?
Jean-Louis Bal : Pour des installations de taille modeste, la vente sur le marché de l’électricité sera assez lourde à gérer. L’adaptation de la profession va passer par le développement du métier d’agrégateur. C’est-à-dire des intermédiaires qui achèteront l’électricité renouvelable à plusieurs producteurs, mutualiseront et revendront sur le marché en minimisant les risques d’erreurs de prévision, synonymes de pénalités. Des exploitants de centrales ont déjà pris les devants en prenant le contrôle d’agrégateurs. De grands énergéticiens, comme EDF, la CNR ou Engie, pourraient aussi jouer ce rôle. Des agrégateurs étrangers commencent également à regarder du côté du marché français. Au final, l’enjeu sera de savoir comment partager la marge financière entre ce type d’acteurs et les producteurs d’électricité. Il est possible que cela favorise les plus grandes entreprises. Celles de taille plus modeste vont peut-être se recentrer sur le métier de développeur de projets, et non d’exploitant. Ou on assistera à des regroupements. Toute une série de changements va transformer le secteur dans les années à venir.

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