Disparition de Jean-Baptiste de Vilmorin, un pionnier de l’écologie

On ne se le rappelle plus assez mais l’écologie en France est née au Museum national  d’histoire naturelle. Des scientifiques de haut vol, comme Jean Dorst, mais aussi des individus anticonformistes, au premier rang desquels Jean-Baptiste de Vilmorin, ont, dans les années 50, alerté nos congénères sur la disparition des espèces sous la pression de l’homme – de la reconstruction d’après-guerre – et sur le grand dommage que pouvait engendrer cette chute de la biodiversité. En particulier… pour l’homme ! L’exposition « L’homme contre la nature » en fut le grand point de départ.

Jean-Baptiste de Vilmorin était né en 1930. 8e génération d’une lignée de producteurs de semences (l’entreprise Vilmorin-Andrieux fondée en 1747), il avait été initié à herboriser, dès son plus jeune âge, par son père Roger de Vilmorin, botaniste de réputation internationale. Il créa durant sa vie plus d’une vingtaine d’arboretums. Très vite il passa de la dénonciation des catastrophes écologiques à l’action. Mais une action pédagogique et positive. Il valait mieux, pour lui, récompenser les bons comportements, mettre en lumière les bons exemples, que de culpabiliser à tout va.


Après un début de carrière dans l’entreprise familiale, il entre à la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) et en devient le directeur en 1959. De là, il crée le Courrier de la nature, première revue « écolo », et donne vie à Sylvain Le Hérisson, sous le crayon de Jean Effel. Ce hérisson qui deviendra l’emblème de France nature environnement (FNE). Puis il passe au Service de la Conservation de la Nature du Muséum National d’Histoire Naturelle. Fidèle à lui-même, tout en dénonçant les méfaits des trente glorieuses, il cherche à mettre en lumière les bons acteurs de l’environnement. C’est ainsi qu’il crée la médaille de la SNPN. La première sera décernée à Walt Disney, pour son film Le grand désert blanc, qui viendra la chercher en personne attirant ainsi l’attention sur cette distinction. Son premier « label ».

Le “ministère de l’impossible”

Quand le président Georges Pompidou décide de confier à Robert Poujade le premier ministère de l’environnement en France, ce dernier s’entoure de conseillers, dont Jean-Baptiste afin d’imaginer ce qui deviendra le « ministère de l’impossible ». Celui-ci fut créé en 1971. Jean-Baptiste de Vilmorin, au côté d’autres pionniers comme Serge Antoine, y fut très actif. On lui doit la création de  la réserve naturelle de Camargue, un ensemble de 10 000 ha cédés à la SNPN par la Compagnie des Salins du Midi. Il ne s’arrête pas là. Entre autre idée féconde il conceptualise les Éco musées avec Georges-Henri Rivière, dont le premier sera inauguré en 1973 dans le Parc Naturel des Cévennes. Et surtout les Centres permanents d’initiatives pour l’environnement (CPIE) sous l’égide des ministères de l’environnement, de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l’agriculture et avec le soutien de Philippe Seguin. Aujourd’hui ce sont près de quatre-vingt associations labellisées, reconnues d’utilité publique, 10 000 membres et 900 salariés.

 

La création des Ecolabels

A l’aube des années 80 et du bouleversement culturel qui se prépare, Jean-Baptiste de Vilmorin reste précurseur, faisant toujours évoluer ses idées d’actions tout en se conformant à sa ligne directrice : la pédagogie. Cette décennie va voir l’avènement de l’écologie politique en France. Ce n’est pas sa vision des choses, même s’il comprend l’intérêt de peser sur le parlement. En 1983, année européenne de l’environnement, avec quelques compagnons, il créé l’Office Français de la Fondation pour l’Éducation à l’Environnement en Europe, aujourd’hui association TERAGIR. Dans lequel il loge sa grande idée, les Pavillons bleus, qui vise à labelliser les villes agissant pour la qualité des eaux de baignade, la gestion des déchets, la réduction de la pollution de l’air, etc. Mais il prend soin de préciser dans les statuts que l’association « n’a pas de vocation politique. Elle ne se positionne pas sur les enjeux polémiques de société ». C’est dit. C’est clair. Il craint, par-dessus tout, la division qui affaiblit forcément l’enjeu planétaire que représentent la protection des écosystèmes et la préservation de la biodiversité. Le pavillon bleu est devenu le premier écolabel mondial. Il récompense les municipalités côtières maritimes et d’eaux douces dans 58 pays. L’association Teragir a développé, par la suite, avec son aide, d’autres labels déjà bien implantés ou promis à un grand avenir (les Clés vertes, Eco-Ecole, Stockholm Junior Water Price, La journée internationale des forets, etc.).

Dans les années 90, Jean Baptiste de Vilmorin prend une retraite active en participant aux Cahiers de l’écologie (éditions Entente) et en écrivant des livres, parmi lesquels : Reconnaître les arbres (Gisserot), Le botaniste en herbe (Philippe Rey), Le jardin des hommes (Le Pré aux Clercs), Histoires d’arbres (Gisserot).

C’est dans son gite rural, près de Sisteron, où il avait planté son dernier arboretum, que ce pionnier de l’écologie vient de s’éteindre, entouré des siens. 
Des générations d’amoureux de la nature lui doivent beaucoup. Les maires aussi, lui qui reconnaissait en eux la seule vraie force de terrain, capable, en mobilisant un territoire, de parvenir à changer le monde.
Gageons que son œuvre sera suivie et donnera corps au verset du Psaume 95 qu’il aimait à rappeler : « Les arbres des forêts dansent de joie ».

 

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