Baromètre du prix de l’eau : la hausse des impayés inquiète les acteurs du secteur

La onzième édition du baromètre des prix de l'eau et de l'assainissement présentée le 28 novembre par la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) reflète une compétitivité et une stabilité tarifaire. Elle n'empêche pas les acteurs du secteur de s'inquiéter du phénomène de montée des impayés corrélé, selon cette fédération de majors et de PME, à "une érosion du recours aux aides classiques gérées par les collectivités qui commencent progressivement à s'en émouvoir".

 

Le prix des services d’alimentation en eau potable et d’assainissement est inférieur de 11% en France à la moyenne relevée dans dix pays européens, selon le baromètre NUS Consulting pour la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) publié le 28 novembre. Son délégué général, Tristan Mathieu, précise que ce baromètre “réalisé tous les deux ans constitue plus une photographie à l’instant des prix de l’eau dans dix pays européens qu’une étude éclairant les raisons des écarts constatés”.


Principaux enseignements

L’intérêt est de pouvoir disposer et comparer ces résultats dans le temps, depuis près de quinze ans. Premier enseignement à en tirer : ces résultats témoignent d’une relative stabilité tarifaire, avec tout de même ces quatre dernières années une légère progression en France de 0,6% par an entre 2015 et 2017, et de +2% par an entre 2013 et 2015. “Mais prudence, ce baromètre ne tient compte que des prix observés dans les cinq plus grandes villes de ces dix pays d’Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède)”, prévient Tristan Mathieu. Soit, en France, ceux pratiqués dans les métropoles de Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Nice. “Leur moyenne est plutôt représentative du prix de l’eau en France”, assure-t-il. Ce prix serait de 4 euros par m3 en Europe, soit cinquante centimes d’euro de plus qu’en France (3,56 euros).

Le Danemark est le pays où le prix moyen est le plus élevé (6,61 euros), devant l’Allemagne (5,20 euros). Pays le plus proche de la France en la matière, la Suède (3,39 euros), où la gestion de l’eau est sous la responsabilité des communes. A une différence près : le service d’assainissement y pèse bien moins lourd dans la formation du prix moyen. En outre, la distribution sur un territoire étendu y est source d’inégalités entre les régions, avec des prix variant d’une ville à l’autre du simple au triple, observe la FP2E dans une précédente étude. Derrière la France, on retrouve deux pays seulement : l’Espagne (2,24 euros) et l’Italie (1,43 euro). En Italie, la hausse du prix ces deux dernières années est sensible du fait des besoins d’investir en urgence dans la modernisation de réseaux “n’assurant plus, dans certaines zones, une continuité de service”.

 

Modèle stable et élus attentifs

Autant de constats qui font dire à la fédération qu’en France, “le rapport qualité-prix est remarquable dans un pays où la quasi-totalité des coûts de fonctionnement et d’investissement des services publics d’eau et d’assainissement sont supportés par les factures d’eau”. Et à son responsable, Tristan Mathieu, que “les élus sont en France très attentifs au prix de l’eau” et que la compétition entre les entreprises privées de l’eau remportant des marchés en délégation de service public “contribue à cette stabilisation du prix alors qu’aux Pays-Bas par exemple, où une dizaine de grandes entreprises publiques se partagent le marché, des dysfonctionnements naissent là où notre modèle français prouve de son côté sa stabilité et son efficacité”.

 

Ombres au tableau

La FP2E s’inquiète cependant de la baisse des investissements dans les infrastructures. “Le taux de renouvellement annuel des réseaux d’eau potable, qui ne concerne que 0,6% à 1% du linéaire français, devrait être au minimum du double pour éviter un vieillissement de ces infrastructures”, pointe Tristan Mathieu. Dans un document rassemblant des propositions concrètes publié lors de la dernière présidentielle, la FP2E proposait dans le même registre d’en finir avec les ponctions de l’Etat sur les agences de l’eau, de mobiliser les régions pour qu’elles consomment les fonds européens non utilisés alors qu’ils sont disponibles dans le cadre de la mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau (DCE) et de dégager de nouvelles capacités de financement pour lutter contre ce phénomène de vieillissement des infrastructures.

“Depuis les lois Brottes (trêve hivernale et interruption des services d’énergies étendus à l’eau) et Warsmann (fuites d’eau), nous constatons une recrudescence des impayés d’eau. Elle a été amorcée en 2015. Au départ on ne nous écoutait pas trop mais les élus en prennent conscience et commencent à s’en émouvoir. A raison, car cette évolution du cadre réglementaire, en interdisant de couper l’eau, met à mal les budgets de l’eau. Les impayés ont doublé dans notre périmètre et quadruplé dans les régies !”, s’alarme Tristan Mathieu. Pire, ce phénomène serait corrélé, selon les professionnels et d’autres experts, à une érosion du recours aux aides classiques gérées par les collectivités. A savoir le fonds de solidarité logement (FSL) auquel l’abonné au service d’eau peut s’adresser et qui dépend de son département ou encore les aides du CCAS ou de la mairie de sa commune. “Des Pimms (point info médiation multiservices) et CCAS font état d’une réduction notoire des demandes d’aides pour l’eau, le nombre de dossiers instruits fond comme neige au soleil”, ajoute-on à la FP2E, qui craint de voir s’aggraver cette situation qu’elle juge “déresponsabilisante”. Nul doute que ces questions referont surface dans le cadre des Assises de l’eau annoncées pour le mois de mars prochain par Edouard Philippe lors du dernier Congrès des maires. 


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