Politique de la ville : l’éternel retour

 

Le 14 novembre dernier à Tourcoing, le président la République présentait le énième plan pour les “quartiers de la politique de la ville”. Sécurité, emploi, éducation, service publics sont au programme de ce plan dont l'avenir dira s'il est révolutionnaire.

 

40 ans ! Cela fait 40 ans que la politique la la ville est à l’œuvre dans ce que les politiques ont d’abord nommé les “quartiers sensibles” puis, “les quartiers”. Comme si la réduction de l’appellation pouvait en faire de même avec les multiplies problématiques que vivent les habitants et les élus de ces villes.

Depuis 1977, année des opérations “Habitat et vie sociale” (HVS) visant à réhabiliter les HLM avec l’aide financière de l’État, sous la direction de Jacques Barrot, secrétaire d’État au Logement dans le gouvernement de Raymond Barre, en passant par la mission “Banlieues 89” menée par Roland Castro et Michel Cantal Dupart en 1983 et dont l’objectif était de réhabiliter et relier entre elles les banlieues ; la loi Borloo d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine en 2003 ou, en 2008, le plan « Une nouvelle politique en faveur des banlieues », présenté par Nicolas Sarkozy et précédée d’une présentation “Espoir Banlieues – Une dynamique pour la France” portée en janvier 2008 à Vaulx-en-Velin par Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la Politique de la ville, la banlieue et ses quartiers en ont vu de toutes les couleurs.

Au final que reste-t-il de tout cela ? La rénovation urbaine qui a véritablement transfiguré des secteurs de villes qui ont pu en bénéficier, mais l’urbanisme ne fait pas tout. Beaucoup d’habitants et d’élus restent sur leur faim et voient les problèmes et les problématiques s’empiler comme les couches successives d’un indigeste plat de lasagnes.
Emmanuel Macron et le Gouvernement d’Edouard Philippe feront-ils mieux ? Il ne faut jamais préjuger mais examiner ce qui est proposé.

 

Après l’Appel de Grigny…

On se souvient encore des quelque 150 maires réunis pour lancer l’appel de Grigny le 16 octobre dernier et du maire de Nanterre qui lançait un alarmant “Tout cela finira mal si on ne met pas les moyens nécessaires” (voir notre édition du 18 octobre). Ils attendaient des réponses concrètes. Le président de la république leur en a apporté quelques-une lors de son discours d’une heure trente de Tourcoing où il a présenté son “Plan de bataille” pour la politique de la ville.

En ce qui concerne les services publics, le président a annoncé le doublement des maisons de santé, la construction de crèches et la majoration du complément du mode de garde : “Dès 2018, une majoration de 30% du complément du mode de garde (…) ce qui représente 138 euros par mois.”

Emmanuel Macron a également assuré qu’aucune coupe budgétaire ne viendrait grever les budgets alloués aux associations. Il promet même la création d’une plateforme unique pour mutualiser les bonnes initiatives. Quelque chose que l’on connait déjà, notamment via “Bleu Blanc Zèbre“.

Parallèlement, les crédits de l’ANRU vont être “doublés” et seront portés à hauteur de 10 milliards d’euros sur les “premières années”.

 

Travail, emploi, chômage

Comment faire revenir l’emploi dans les banlieues et leurs quartiers ? Le président propose : la pénalisation de la discrimination à l’embauche via le “name and shame” et les campagnes de testing. L’idée n’est pas d’ajouter des sanctions financières mais de dénoncer publiquement les entreprises qui ont les pires pratiques.

Emplois francs : le retour ! Décriés parce qu’inefficaces, ils reviennent sous une autre forme, nous assurent les représentants de la LREM. Il s’agit, à partir du 1er janvier 2018, de faire entrer dans ce dispositif tous les demandeurs d’emploi, sans critère d’âge, issus des “quartiers” et de donner aux entreprises qui les embaucheront un prime de 5.000 euros par an sur 3 ans pour un CDI et une prime de 2.500 euros par an sur deux ans pour un CDD. Le dispositif devrait être généralisé d’ici 2020.

Pour les emplois aidés, le président de la République a assuré qu’il les maintiendrait à hauteur de 200.000 (320.000 en 2017) dans les quartiers en difficulté. Dispositif qu’il ne souhaite pas pour autant maintenir sur le long terme.

 

Prévention, sécurité

Sujet majeur dans les quartiers de la politique de la ville, la sécurité occupe aussi le quotidien des élus. Dans son plan, le président souhaite un changement de la politique pénale et veut mettre en place ce que Gérard Collomb avait proposé en mai dernier, une “contravention qui remplacerait le tribunal pour réprimer l’usage et la détention de stupéfiant et qui désengorgerait les tribunaux.”

Il a également rappelé que la “Police de sécurité du quotidien” (PSQ) sera mis en place en priorité dans ces quartiers  après une expérimentation qui devrait débuter en 2018 dans une quinzaine de villes. Il a enfin évoqué “la possibilité d’éloigner du territoire des jeunes dont on sait qu’ils produisent des nuisances et rendent la vie des quartiers insupportables”, sans pour autant “qu’ils aient été pris en flagrant délit”. Comment ? La question reste en suspens.

Pour lutter contre la radicalisation, Emmanuel Macron précise : “Le combat que nous devons mener ici, c’est de rétablir la République. (…) Une quinzaine de Plans de lutte contre la radicalisation seront mis en place d’ici au début de l’année 2018.” Une déclaration qui, hélas ne dit pas grand chose sur le “comment”, le “par qui” et le “pour qui”.

 

Education, culture en un si long combat

Eduquer, instruire, faire découvrir… c’est l’une des grandes bataille qu’il faut mener dans ces quartiers. Pour le président de la République cela passe par
– l’ouverture des bibliothèques en soirée et le week-end,
– la réouverture des internats d’excellence,
– l’expérimentation, dès la fin 2018, du “Pass culture”,
– la réforme de l’orientation des élèves,
– une politique qui aide les jeunes de 3e à “obtenir leur stage” .

“Je veux que le visage de nos quartiers ait changé d’ici la fin du quinquennat” a-t-il scandé à plusieurs reprises. Les élus attendent certainement avec impatience le vade-mecum de cette bataille annoncée par le président de la République.
Olivier Faure, chef de file des socialistes à l’Assemblée nationale dénonce “une politique de Gribouille (…). On recycle des mesures qui existent déjà.”
Patrick Kanner, ancien ministre PS à la Ville, se dit rassuré par un président qui “n’efface pas les traces de son prédécesseur”. Damien Castelain, président (centriste) de la Métropole européenne de Lille, chargée de la politique de la Ville dans l’agglomération, salue des “objectifs ambitieux”, mais attend “des actes concrets”.

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