Une nouvelle réglementation pour renforcer la sûreté des digues en consultation

Le ministère de l'Ecologie soumet à consultation publique, jusqu'au 15 décembre, un projet de décret fixant la nouvelle réglementation destinée à renforcer l'efficacité et la sûreté des digues de protection des populations contre les inondations et les submersions marines.

Le dispositif réglementant la sécurité des barrages et des digues s’appuie principalement sur la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 et le décret n°2007-1735 du 11 décembre 2007. Les dégâts consécutifs à la tempête Xynthia et les violentes inondations du Var ont mis en évidence les limites de la politique de prévention des inondations fluviales et des submersions marines menée jusqu’alors. Difficile toutefois de réformer une politique tout à la fois coûteuse par l’ampleur des travaux d’endiguement à prévoir et complexe à mettre en œuvre en raison de la multiplicité des acteurs concernés (Etat, collectivités territoriales, propriétaires privés etc.).  Complexité qui caractérise également le régime de responsabilité des gestionnaires d’ouvrages et conduit à l’abandon de certaines digues.


Pour répondre aux problématiques et propositions dégagées notamment par le député Christian Kert dans un rapport sur “l’amélioration de la sécurité des barrages et ouvrages hydrauliques” remis en juillet 2008, la loi Grenelle 2 a introduit dans le Code de l’environnement un nouvel article L.562-8-1. Cet article prévoit que les ouvrages construits en vue de prévenir les inondations et les submersions doivent satisfaire à des règles aptes à en assurer l’efficacité et la sûreté. La responsabilité du gestionnaire de l’ouvrage ne peut toutefois être engagée en raison de dommages issus d’événements importants, dépassant par leur ampleur ce que l’ouvrage permet de contenir ou de réguler, comme par exemple des crues centennales. Un décret en Conseil d’Etat fixe les obligations de conception, d’entretien et d’exploitation auxquelles doivent répondre les ouvrages en fonction des enjeux concernés et des objectifs de protection visés. C’est l’objet du projet de décret soumis à consultation, qui précise également le délai maximal au-delà duquel les ouvrages existants doivent être rendus conformes à ces obligations ou, à défaut, être neutralisés.


Un véritable système d’endiguement

Le projet de décret maintient le régime d’autorisation des digues dans le cadre général des procédures de la loi sur l’eau (livre II du Code de l’environnement). Toutefois, des informations complémentaires devront être fournies à l’appui de la demande d’autorisation. Le dossier du pétitionnaire devra préciser, carte à l’appui, la zone protégée. La digue est ainsi conçue “comme un véritable système d’endiguement cohérent pour ce territoire au regard du risque d’inondation ou de submersion à prévenir”, insiste le ministère. Le pétitionnaire devra par ailleurs indiquer l’objectif de protection dit “à pieds secs” à l’aval de la digue, sous la forme d’un débit de crue ou d’une ligne de cote (ou encore d’une sur-cote pour les digues de protection contre les submersions marines), cette valeur étant assortie d’une appréciation de la rareté du phénomène. Il devra enfin indiquer “le niveau ultime de sûreté” de la digue et démontrer sa capacité à agir sur l’ensemble des ouvrages la constituant.  
Le texte modifie par ailleurs la répartition des digues en trois classes de A à C (la sous-section relative aux digues de classe D étant supprimée), en fonction de leurs caractéristiques géométriques et du nombre de personnes dans la zone protégée par les systèmes d’endiguement.
S’agissant de la mise en conformité des digues existantes, le projet de décret distingue les ouvrages régulièrement autorisés avant l’entrée en vigueur des dispositions introduites par la loi Grenelle 2 (art. 4 à 7 du projet), des ouvrages non régularisés préalablement mais faisant office de digues (art. 8 à 10 du projet).


Neutralisation des digues orphelines

Pour chaque digue ainsi identifiée, il s’agit de faire émerger “un responsable unique” pour l’ensemble des ouvrages constituant le système d’endiguement. Le cas échéant, le responsable disposera d’un délai pour réaliser les travaux de mise en conformité nécessaires pour atteindre complètement les performances annoncées. Une procédure de régularisation au regard de la réglementation relative aux digues sera par ailleurs engagée à l’initiative du préfet, à l’issue d’un processus formalisé de publicité auprès des communes intéressées et du département, pour les ouvrages faisant office de digues. A défaut de manifestation du gestionnaire dans les délais requis, le préfet pourra engager la procédure de neutralisation de l’ouvrage. Pour autant, l’objectif premier de ces nouveaux outils réglementaires “n’est pas d’effacer des digues mais bien au contraire de fournir un cadre juridique pour que les digues à l’utilité reconnue soient désormais exploitées comme un service public de prévention des inondations”, insiste le ministère.


Le projet de décret est par ailleurs complété d’un titre II contenant diverses dispositions destinées à améliorer, à l’aune de l’expérience de ces dernières années, l’intégration des règles de sûreté des ouvrages hydrauliques issues du décret du 11 décembre 2007, dans les outils généraux de la police de l’eau (livre II du Code de l’environnement). Ces améliorations (art. 12 et 13 du projet), qui permettent notamment de clarifier les conditions de délivrance des autorisations administratives, concernent tant les barrages que les digues. Le texte pose enfin une règle de sûreté nouvelle (art. 14 et 15) concernant les conduites forcées qui, jusqu’à présent, ne font pas partie du champ d’application du décret de 2007. Le propriétaire ou l’exploitant (ou le cas échéant, le concessionnaire) devra transmettre au préfet une étude de dangers exposant les risques que présente l’ouvrage pour la sécurité publique, directement ou indirectement en cas d’accident, que la cause soit interne ou externe, au plus tard le 31 décembre 2015.


Priorité à l’identification des gestionnaires

Une instruction ministérielle du 20 octobre 2011, publiée au bulletin officiel du ministère de l’Ecologie du 10 novembre, invite les préfets, sans attendre la finalisation des dispositions réglementaires de mise en œuvre de l’article L. 562-8-1 du Code de l’environnement, à identifier les gestionnaires des systèmes d’endiguement et, lorsqu’ils sont différents, les propriétaires des différents ouvrages qui les constituent. Dans le cadre du plan submersions rapides, un important travail a d’ores et déjà permis d’identifier les gestionnaires des ouvrages pour plus de 95% du linéaire des systèmes d’endiguement de classe A (plus de 50.000 habitants), pour plus de 85% des systèmes d’endiguement de classe B (plus de 1.000 habitants) et de classe C (plus de 10 habitants) et d’intégrer les données dans un système d’information modernisé (système d’information des ouvrages hydrauliques – SIOUH). Bien que les fonctionnalités de cartographie ne soient pas disponibles dans la version actuelle de SIOUH, l’instruction encourage l’utilisation des outils cartographiques pour conforter l’action des gestionnaires de systèmes d’endiguement et favoriser l’élaboration des nouvelles démarches locales de prévention des risques. Un effort particulier doit en outre être consacré aux zones endiguées à forts enjeux de sécurité dépourvues de gestionnaire identifié ou pour lesquelles le gestionnaire est défaillant ou ne dispose pas de la capacité d’assumer ses responsabilités. Des concertations seront engagées, en particulier avec les collectivités locales, pour faire émerger un gestionnaire unique “solide sur les plans juridique, technique et financier et disposant de la confiance nécessaire de la part de tous les acteurs”, insiste l’instruction ministérielle.

Laisser un commentaire