Risque pénal : le nombre d’élus locaux mis en cause toujours en hausse

Chaque année, l'Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale dresse un bilan statistique du risque pénal des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux. Véritable “Guide Michelin” du risque pénal public, comme se plaît à le nommer Jean-Luc Boissieu, président de SMACL Assurances, ce rapport montre, cette année encore, une hausse des mises en cause et des condamnations.

Depuis la création du baromètre de l’Observatoire des risques de la vie territoriale, en 1998 , le nombre d’élus mis en cause ne cesse de croître. On observe ainsi qu’entre 1995 et avril 2016, l’Observatoire a recensé près de 3.000 (2.980) élus locaux poursuivis pénalement pour des infractions en lien avec l’exercice de leur mandat local.

 

Nombre d’élus mis en cause

– Mandature 1995-2001 : 576

– Mandature 2001-2008 : 766

– Mandature 2008-2014 : 1.176

2014 reste une année noire avec 337 élus locaux mis en cause, soit le record absolu sur les 20 dernières années.

 

Selon le rapport, plusieurs explications peuvent être avancées : la période électorale avec son lot d’injures et de diffamations, voire de violences, les tentatives de déstabilisation de la majorité sortante et d’instrumentalisation de la justice pénale à des fins politiques, la nouvelle majorité issue des urnes peut, à la faveur d’un audit, découvrir des irrégularités et demander des comptes à l’ancienne majorité.
La tendance à la hausse est cependant plus structurelle.

 

Les mises en cause pénale

En 20 ans, le nombre de poursuites pénales contre les élus locaux a doublé (+104%) avec des cycles assez réguliers de deux-trois années de hausse consécutive suivies d’une année de baisse.
Entre avril 2014 et avril 2016, 462 élus ont déjà été mis en cause. A ce rythme, l’Observatoire estime que près de 1.400 élus (1.386) seront poursuivis d’ici la fin de la mandature en 2020.

Pour autant, si l’on rapporte le nombre d’élus mis en cause au nombre total d’élus locaux, le taux de mise en cause pénale des élus reste, d’après les calculs de l’Observatoire, inférieur à 1%. “Si nos chiffres démontrent une nouvelle hausse des mises en cause et des condamnations, les procédures restent, au regard du nombre total d’élus locaux et de fonctionnaires territoriaux, très marginales”, commente Jean-Luc de Boissieu, président de SMACL Assurances.

 

Une infraction “à l’insu de son plein gré”

Les manquements au devoir de probité (corruption, détournements, favoritisme, prise illégale d’intérêts, abus de biens sociaux…) constituent le 1er motif de mise en cause pénale des élus locaux. Depuis 1995, l’Observatoire a recensé plus de 1.300 élus locaux (1.327) mis en cause de ce chef. Entre les mandatures 2001-2008 et 2008-2014 le nombre moyen d’élus locaux mis en cause de ce chef chaque année a quasiment doublé, passant de 45 à 88. Selon les estimations de l’Observatoire, près de 500 élus locaux devraient être poursuivis de ce chef d’ici à la fin de la mandature en 2020.

Pour l’Observatoire, malgré ces chiffres, il est important de ne pas se méprendre ou de tirer des conclusions hâtives sur la santé de notre démocratie locale : “Certains élus ont pu se méprendre sur la portée d’une infraction. C’est particulièrement le cas des infractions de favoritisme et de prise illégale d’intérêts qui peuvent être caractérisées sans que l’élu ait nécessairement recherché un enrichissement personnel ni même eu conscience de frauder la loi.

 

Une explosion des poursuites pour diffamation

Les atteintes à l’honneur (diffamation et dénonciation calomnieuse) sont le 2e motif de mise en cause pénale des élus locaux. Depuis 1995, l’Observatoire a recensé près de 600 élus locaux (581) poursuivis de ce chef pour des propos tenus en lien avec l’exercice de leur mandat local. En moyenne annuelle, le nombre d’élus locaux mis en cause pour ce motif a plus que doublé entre les mandatures 2001-2008 (17,6 par an) et 2008-2014 (42 par an).

Les atteintes à la dignité (harcèlement moral, injures, discriminations…) arrivent sur la troisième marche du podium des motifs de poursuites sur la mandature 2008-2014.
Depuis 1995, l’Observatoire a recensé plus de 400 élus locaux mis en cause de ce chef dont près de la moitié (190) sur la seule mandature 2008-2014 (en hausse de 83% par rapport à la mandature 2001-2008).

Parallèlement, les poursuites contre les élus locaux pour atteintes à la vie et à l’intégrité physique sont par contre toujours en baisse (-29%). C’est le 5e motif de mise en cause pénale des élus locaux sur les 20 dernières années, et le 7e sur la mandature 2008-2014.
Entre 1995 et avril 2016, l’Observatoire a recensé un peu plus de 150 (157) élus locaux mis en cause de ce chef.

 

Poursuivis mais pas forcément condamnés

Pour l’Observatoire, au delà de la dépénalisation opérée par la loi du 10 juillet 2010, on peut aussi voir dans ces chiffres le fruit des politiques de prévention des accidents (notamment des accidents du travail) mises en place dans les collectivités. “Les élus locaux poursuivis sont majoritairement issus des communes, ce qui est logique compte-tenu de la part prépondérante des communes sur l’ensemble des collectivités territoriales. On note même une surexposition au risque pénal des élus issus des communes de 10.000 habitants et plus”, souligne la SMACL Assurances.

Mais qui dit poursuite ne dit pas forcément condamnation. En effet, entre 1995 et avril 2016, l’Observatoire a répertorié un peu plus de 1.000 (1.044) condamnations d’élus locaux toutes infractions confondues sur les quelques 3.000 élus poursuivis.
– 36% des élus obtiennent finalement une décision qui leur est favorable ; autrement dit, lorsqu’un juge est saisi,
– 64% des élus poursuivis sont condamnés.

“Toujours est-il, note l’Observatoire, même soldée par un classement sans suite, un non-lieu ou une relaxe, une mise en cause pénale peut laisser des traces indélébiles dans l’opinion publique et causer des dégâts irréparables dans la situation personnelle des personnes poursuivies.”

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