Réforme du Code minier : une nouvelle proposition de loi déterre la polémique

Véritable serpent de mer, la réforme du Code minier revient sur le devant de la scène parlementaire, en cette fin de législature, par l'intermédiaire d'une proposition de loi dont le manque d'ambition suscite la grogne dans le camp des écologistes et des collectifs d'opposants à l'exploitation des gaz de schiste.

 

Saisie au fond, la commission du développement durable a adopté ce 17 janvier dans la nuit, la proposition de loi (PPL) “portant adaptation du code minier au droit de l’environnement” défendue par son président (également rapporteur), Jean-Paul Chanteguet, et portée par le socialiste Bruno Le Roux – devenu depuis ministre de l’Intérieur -, aux côtés d’une vingtaine de ses collègues. La commission des affaires économiques s’est également prononcée pour avis sur ce texte le 11 janvier dernier. Une première mouture avait été déposée fin septembre avant d’être précipitamment retirée.

Mais cette nouvelle version allégée – huit articles contre 32 dans la précédente – suscite tout autant de réticences dans le camp des députés écologistes et des collectifs d’opposants à l’exploitation des gaz de schiste. Sur de nombreux points, ce texte “manque d’ambition au regard des propositions faites par les rapports d’Arnaud Gossement et de Thierry Tuot”, regrette l’élue EELV, Michèle Bonneton. La députée socialiste, Delphine Batho, déplore pareillement que cette question en gestation depuis cinq ans fasse l’objet d’une PPL de quelques articles “en lieu et place d’un projet structurant de réforme globale du code minier qui, faut-il le rappeler, n’est pas conforme à la Charte de l’environnement”.

D’autres voix se sont élevées pour dénoncer la déconnexion de ce texte vis-à-vis de la loi Transition énergétique. Cette PLL témoigne de “la volonté de continuer à exploiter les énergies fossiles tandis que l’accord de Paris a été adopté”, s’est ainsi étonnée la députée EELV du Val-de-Marne, Laurence Abeille, aux côtés de sa consœur au Parlement européen, Michèle Rivasi, de représentants du réseau Frack free Europe et du collectif du pays fertois “Non au pétrole de schiste”. Sur un certain nombre de dispositions qui mériteraient d’être complétées, tant en matière d’évaluation environnementale, de concertation et de consultation du public que pour ce qui concerne l’après-mine, le texte a ainsi fait l’objet de très nombreux amendements en commission.

 

Evaluation environnementale

Après son passage en commission, le texte prévoit expressément que les activités assujetties au code minier sont effectivement subordonnées au respect de la Charte de l’environnement et des principes généraux du droit de l’environnement. Premier motif de satisfaction pour la députée EELV, Laurence Abeille, qui a défendu un amendement en sens. La PPL instaure par ailleurs l’obligation de réaliser une évaluation environnementale pour l’ensemble des titres miniers (art. 2). Le rapport environnemental présentera clairement les techniques d’exploration/exploitation envisagées en expliquant les critères de leur sélection, au terme d’amendements défendus par les rapporteurs Marie-Noëlle Battistel (commission économique) et Jean-Paul Chanteguet.

Tous les candidats demandant un titre minier (et non le seul candidat retenu) seront soumis à l’évaluation environnementale, de manière à en faire un véritable critère de sélection. Si le ministre n’est pas lié par les avis exprimés, ces évaluations doivent permettre d’affiner l’appréciation des capacités du demandeur. Pour la commission économique, il a semblé essentiel que le cahier des charges précisant les conditions spécifiques à respecter soit systématiquement annexé à l’acte octroyant le titre, mais aussi qu’il interdise obligatoirement le recours à certaines techniques si la protection de l’environnement ou d’autres usages du sol ou du sous-sol le justifient.
La disposition précisant les conditions de refus d’accorder un titre minier “s’il existe un doute sérieux” sur leur innocuité environnementale devient prescriptive. La commission du développement durable s’est également employée à rendre plus lisible la chronologie de la procédure d’instruction des demandes de titre minier proposée par la PPL : la mise en concurrence se règle par une présélection qui précède l’évaluation environnementale, l’instruction locale et la participation du public. Il lui est en outre apparu important de prévoir que cette participation se déroule dans le cadre d’une enquête publique. Sans remettre en cause le droit de suite, la commission confirme l’application de ces nouveaux dispositifs aux demandes de concession présentées par les titulaires de permis exclusif de recherche.

 

Procédure renforcée d’information

Il s’agit d’apporter “stabilité, attractivité et équilibre économique pour revaloriser l’activité minière en France”. Mais également de “mieux prendre en compte les enjeux environnementaux et permettre de consulter davantage les populations et les élus locaux”, a insisté Marie-Noëlle Battistel. Les collectivités territoriales “impactées d’un point de vue environnemental, sanitaire, et socio-économique” seront informées dès le dépôt de la demande et le cas échéant, du choix du candidat retenu à l’issue de la mise en concurrence. Elles seront ensuite consultées dans les procédures d’instruction des titres miniers.

Autre point d’achoppement, le texte propose de créer une procédure renforcée d’information et de concertation du public laissée en grande partie à la libre appréciation du préfet (art. 3). La commission du développement durable a souhaité en accroître le caractère systématique en supprimant le qualificatif de “facultative”. Le préfet prendra la décision d’engager ou non la procédure renforcée de consultation du public au regard des “enjeux significatifs pour l’environnement, la sécurité et la santé publiques et l’intérêt des populations”. Elle pourra aussi être enclenchée par les communes impactées si elles réunissent une majorité des deux tiers ou être initiée par un système de “saisine citoyenne” (à la demande de 30% des électeurs du territoire) suite à un amendement défendu par la députée de l’Ardèche Sabine Buis. De manière à réduire les délais d’octroi de titres, l’instruction du dossier pourra se poursuivre pendant la durée de mise en œuvre de la procédure de concertation renforcée.

 

Groupement participatif

Pour conduire cette procédure, le texte prévoit la mise en place de groupements participatifs. Ces structures non pérennes, qui pourront avoir recours à des experts (et des évaluations particulières), auront une vocation locale. En définissant les collèges qui devront être représentés, la commission garantit la participation d’acteurs directement concernés par les projets, “tels les populations locales et les élus des collectivités territoriales concernées, ou très intéressés par les enjeux environnementaux”. Elle prévoit sa présidence par un “garant” issu de la Commission nationale du débat public.

A l’instar d’une commission d’enquête publique, le groupement participatif pourra obtenir du demandeur qu’il mette à disposition du public tous documents complémentaires utiles, mais aussi organiser des débats avec le public. Ce dernier sera informé, par voie dématérialisée, par voie d’affichage dans les mairies et les préfectures concernées et d’une publication dans les journaux locaux. Le dossier de consultation et les contributions du public resteront accessibles pendant toute la durée de la procédure renforcée, soit au-delà des 30 jours accordés au public pour faire part de ses observations.

La commission économique a par ailleurs maintenu à quatre mois le délai dans lequel le groupement participatif rend son “avis simple et motivé”, tout en permettant sa prorogation d’une durée maximale de quatre mois. “(…) c’est le sérieux des conclusions du groupement participatif qui permettra un meilleur déroulement des procédures a posteriori, en désamorçant les éventuelles contestations et recours”, a justifié la rapporteure. L’administration devra en outre indiquer la façon dont elle a tenu compte des recommandations du groupement ou les raisons pour lesquelles elle s’en est écartée.

Quant à la création du Haut conseil des mines (art. 4), elle va “dans le bon sens”, selon la rapporteure, “(…) ce ne sera pas une commission de circonstance mais elle permettra de traiter de questions transversales sur le long terme”. La PPL prévoit également la création d’un registre national mis à la disposition du public sur internet recensant les décisions administratives prises en application du code minier.
Les orientations nationales de valorisation des ressources connues ou estimées ne devront pas seulement viser à servir l’intérêt strictement économique mais également respecter “les intérêts sociaux et environnementaux des territoires”. “La politique nationale des ressources et usages miniers doit s’inscrire dans une cohérence et ne pas entrer en opposition avec le schéma départemental d’orientation minière (SDOM) en Guyane”, au terme d’un autre amendement soutenu par la députée SER de Guyane Chantal Berthelot. Le rapport formalisant cette politique devra être mis à jour, non tous les dix ans comme le prévoyait le texte, mais tous les cinq ans.
La commission a également supprimé la disposition précisant que si la politique nationale des ressources et des usages miniers n’a pas été formalisée à la date de la demande, l’Etat ne pourra pas motiver ou opposer un refus au nom de cette politique et ce quand bien même ce permis serait en contradiction avec la politique de l’Etat (environnement, biodiversité, etc.). Elle a aussi proposé de donner une base légale aux documents d’orientation pour la gestion durable des granulats marins en en faisant une composante des documents stratégiques de façade.

 

Gestion de l’après-mine

La commission a restreint le champ des décisions pouvant faire l’objet d’un “rescrit procédural”. Toujours à l’article 5, un amendement permet aux collectivités territoriales d’intervenir efficacement en justice à titre préventif pour obtenir la suspension d’une décision. Pour ce faire, il adapte la procédure de référé-suspension qui n’est pas adaptée au domaine minier puisqu’elle exige qu’il y ait urgence, alors que les conséquences d’une activité minière n’apparaissent que plusieurs années après le début de l’exploitation. Un autre amendement transpose en droit minier l’article L. 142-4 du code de l’environnement qui permet aux collectivités d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect à leur territoire.

L’article 6 rénove le dispositif national de l’après-mine en instaurant la responsabilité de l’exploitant et en élargissant le champ d’action du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) dans l’indemnisation des dommages miniers. Un amendement l’étend notamment aux dommages qui ont affecté des immeubles possédés par des collectivités ou leurs groupements (sauf si une clause exonérant l’exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation).

Un article additionnel prévoit que le principe pollueur-payeur s’applique à l’ensemble des activités régies par le code minier et non aux seuls déchets de l’industrie extractive. Un autre fixe le point de départ de calcul du délai de prescription à la découverte du dommage (et non au fait générateur). En matière d’après-mine, la commission économique a également souhaité agir sur le volet de la prévention de deux façons : en étendant la liste des intérêts à protéger lors des travaux d’exploration ou d’exploitation minière et en élargissant le champ des risques résiduels miniers à considérer lors de l’arrêt des travaux, de manière à prévenir les dommages miniers. A l’instar des carrières, le texte impose la constitution de garanties financières aux mines à ciel ouvert ou en souterrain, de façon à permettre la remise en état du site après exploitation en cas de défaillance de l’exploitant. Un article additionnel soumet la déclaration d’arrêt des travaux à la procédure de participation du public.
Un titre spécifique (Titre V ter) est introduit dans le code minier pour améliorer la prise en compte des spécificités ultra-marines. Finalement, un nouveau titre (V Bis) interdit l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, complétant le dispositif mis en place par la loi du 13 juillet 2011 qui s’était limitée à interdire une technique (la fracturation hydraulique). “Il s’agit de définir précisément et sans ambiguïté ce qui est autorisé et ce qui est interdit en France”, a souligné Jean-Paul Chanteguet.

Ce texte sera débattu dans l’hémicycle en première lecture à partir du 24 janvier prochain, avant son examen au Sénat. L’interruption des travaux parlementaires fin février en raison des élections rend toutefois peu probable son adoption définitive lors de cette législature. “Cela me semble assez difficile”, a dit à l’AFP Jean-Paul Chanteguet.

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