Programmation pluriannuelle de l’énergie : la CNDP dresse le bilan du débat public

Attendue cet automne, la présentation de la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) a fait l'objet d'un débat public qui s'est terminé fin juin et de rencontres locales coorganisées "en raison d'un budget modeste" et sur une durée courte par des territoires, associations, parlementaires et syndicats d'énergie. La méthode a fortement mobilisé les collectivités. Le bilan et le compte-rendu du débat viennent d'être publiés.

Quels enseignements la Commission nationale du débat public (CNDP) tire-t-elle des trois mois et demi de concertation animés notamment au niveau local dans le cadre de la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ? Dans le bilan et le compte-rendu publiés le 30 août, l’implication des collectivités dans leur organisation est soulignée. Premier constat, les collectivités ont envoyé peu de cahiers d’acteurs – cet outil d’expression à la disposition des personnes morales – mais elles ont en revanche “beaucoup mobilisé pour organiser des événements locaux”. Plus de 80 réunions locales se sont tenues, rassemblant 500 intervenants et 8.000 participants.

Thèmes les plus récurrents : les énergies renouvelables, la consommation, les économies d’énergie… L’insuffisance des moyens a pesé : “Elle a eu un impact sur les outils de mobilisation et la capacité à installer le débat dans la sphère publique”, reconnaît dans son bilan Chantal Jouanno, présidente de la CNDP. Le débat fut, malgré cela, “riche, mobilisateur, peu conflictuel” : “Il était craint que la question nucléaire préempte la critique – ce ne fut pas le cas. La palette des sujets abordés (…) a été extrêmement large”, poursuit-elle.
L’absence de la maîtrise d’ouvrage aux réunions publiques a posé problème. Si “la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) a fait au mieux pour y contribuer (…), le véritable maître d’ouvrage de la stratégie énergétique est le gouvernement et les limites de ce débat public tiennent à l’imprécision des attentes du véritable maître d’ouvrage et de la difficulté d’identifier le décideur”.

Tropisme électrique

Le choix fait de ne pas présenter un projet “mais de faire débattre les citoyens en amont avant que les choix ne soient faits et annoncés” – une idée “séduisante au premier abord” – a produit des contre-effets et placé au centre le dossier du maître d’ouvrage (DMO), devenu “à défaut d’une véritable programmation” l’élément “de référence du débat”. Autre écueil, le débat s’est focalisé sur des scénarios prospectifs et sa tournure a “favorisé l’orientation des échanges vers l’électricité”. La commission recommande au maître d’ouvrage le maintien de “scénarios prospectifs de production respectant les objectifs de la loi de transition énergétique, portant sur l’ensemble du système énergétique et pas seulement sur l’électricité, tenant compte des incertitudes liées à l’environnement des politiques énergétiques”.

Brouillage sur la ligne

Le débat fut chahuté par l’activité gouvernementale très fournie durant cette période. Ce qui a “contribué à l’animer” mais “n’a pas simplifié la tâche de la commission particulière” (CPDP). A ce sujet le bilan n’est pas tendre : “Il aurait été opportun et pas si difficile de s’abstenir pendant 103 jours d’intervenir sur les questions de méthanisation, de photovoltaïque, de rénovation des logements ou d’hydrogène. Le principe de s’abstenir de toute décision pendant le temps d’écoute du débat public est un principe de crédibilité politique et de confiance. Le temps du débat est un temps d’écoute, de construction des systèmes argumentatifs. La participation n’est pas la co-décision mais un éclairage de la décision publique.”

L’implication des collectivités

La CNDP estime l’implication des collectivités “non négligeable” : “Beaucoup de villes et métropoles se sont proposées pour organiser des

réunions mais aussi des collectivités périphériques et rurales, des territoires à énergie positive (Tepos)…” Le public participant s’est interrogé “légitimement sur les données mises à sa disposition, leur exactitude, leur pertinence, leur complétude” : c’est d’une certaine façon “plus la multitude de données (..) que l’absence de données qui pose problème”. D’autres interrogations tenaient à l’évolution des consommations, notamment d’électricité, avec une grande attention portée “dans toutes les régions” à la légère baisse constatée de la consommation de l’énergie fossile, même si celle-ci reste anecdotique par rapport aux objectifs fixés par la loi de transition énergétique. Si les réalisations exemplaires ne manquent pas, alors pourquoi, s’en étonnent plus d’un, “cela ne se traduit-il pas au plan macroéconomique par une baisse significative des consommations ?”. Des réunions publiques ont accordé une place à l’enjeu de sobriété énergétique et abordé celui de la décroissance de la consommation d’électricité qui fait l’objet d’une bataille d’experts.

 

 Gouvernance, équilibres territoriaux et justice sociale

Autre constante dans ces réunions locales, l’absence de lisibilité et de cohérence des politiques publiques, avec une forte interrogation “sur qui fait et décide quoi dans ce secteur, en particulier la place et le rôle de l’État”, mais aussi l’articulation qui n’est pas toujours comprise avec les différents niveaux de collectivités territoriales. En termes de gouvernance, est “montée au cours du débat l’exigence d’un renforcement de la place du local dans un pilotage fin de la politique énergétique”, précise le compte-rendu.

D’autres idées ont rencontré un certain écho, par exemple celle d’une montée en puissance des services publics locaux de l’énergie ou d’une régionalisation des appels d’offres d’énergies renouvelables pour “réduire les effets de concurrence entre les régions inégalement dotées quant à la ressource et mieux répartir les énergies sur les territoires”. Le “couple région/intercommunalité” a fait l’objet d’un focus et la crainte est évoquée d’un “usage désordonné des contrats de transition écologique ou d’un empilement de dispositifs qui rendraient encore moins lisibles les dispositifs de pilotage”. Entre la ruralité et les métropoles, les “contrats de réciprocité” sont cités.
Enfin, le dernier enseignement majeur du débat est l’exigence de justice sociale. La commission rapporte des témoignages montrant que “la transition énergétique et les énergies nouvelles sont vécues parfois comme une forme de luxe inaccessible, réservées à certaines catégories de la population”.

Crédit photos : CNDP

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