Prix de l’eau : la balle dans le camp de l’Etat

Répondre aux multiples interrogations sur la formation du prix de l'eau, dissiper les malentendus : le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), rendu public le 10 mai, prône avant tout une meilleure lisibilité du système de régulation nationale et identifie les marges de manœuvre disponibles pour influer sur l'évolution de la facture d'eau.

La mission lancée début 2015, à la demande de Ségolène Royal, et menée conjointement par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’inspection générale de l’administration (IGA), vient de remettre un rapport intitulé “Eau potable et assainissement : à quel prix ?”. Au diagnostic sur les facteurs explicatifs et les perspectives d’évolution du prix de l’eau font écho des propositions conciliant tarification plus équitable, maîtrise globale des prix et réinvestissement sur le patrimoine.

“Les opérateurs étant sous l’autorité des collectivités locales, les moyens pour porter une politique sobre, partagée, solidaire et durable pour ces services essentiels ne sont pas tous dans la main de l’Etat, loin de là”, reconnaît le CGEDD. Mais ce dernier a “la capacité et le devoir de convaincre et d’entraîner” les collectivités en réorientant les outils disponibles et les actions. Le mouvement de restructuration des autorités organisatrices (communes, intercommunalités) initié par la loi NOTRe ouvre ainsi la possibilité pour l’Etat “d’engager de façon réaliste une nouvelle étape dans le développement de la régulation nationale du secteur” pour lui donner “plus de lisibilité, de visibilité et de cohérence”.

L’élaboration d’une stratégie nationale “pour des services publics durables et solidaires d’eau potable et d’assainissement” et d’un plan d’actions pour 2016-2021 font partie des outils privilégiés. Un “pacte de modération des prix et d’orientation des efforts vers la gestion patrimoniale des réseaux” serait quant à lui le témoin d’une démarche partenariale de mobilisation des parties prenantes, en particulier des fédérations de collectivités.

 

Compléter les systèmes d’information

Les rapports annuels des maires produits par les services d’eau et d’assainissement pourraient devenir des documents “plus stratégiques et performanciels”, intégrant “des informations sur les charges d’exploitation et de gestion du patrimoine par grandes composantes”, ainsi que des éléments explicatifs de la formation des prix. Il convient d’accéder “à des éléments fiables concernant le croisement des prix, des consommations, de la composition des ménages et de leurs revenus”, relève la mission. Ces compléments peuvent facilement être recueillis auprès des collectivités impliquées dans l’expérimentation de la loi Brottes sur la tarification sociale, avant une généralisation d’ici 2020 à toutes les autorités organisatrices.

Le système d’information des services publics d’eau potable et d’assainissement (SISPEA) existant évoluerait parallèlement pour inclure des synthèses et analyses sur les collectivités dans le cadre d’une base de données beaucoup plus contrôlées (et non plus simplement déclaratives). Il s’agit par ailleurs de permettre un débat stratégique sur les orientations et les prix des services au moins une fois par mandature au sein des EPCI ou de leurs syndicats spécialisés.

Le rapport encourage également “au minimum” l’insertion d’une clause de revoyure quinquennale dans les contrats avec les opérateurs privés. Pour les collectivités en régie, il propose qu’au moins un bilan de performance soit réalisé par mandature. Qu’ils soient publics ou privés, ces contrats, fondés sur des indicateurs de performance, doivent assurer un partage équitable, notamment au bénéfice des ménages et du renouvellement du patrimoine, des gains de productivité.

 

Mobilisation financière de l’Etat

Sur le volet de l’ingénierie financière du renouvellement des infrastructures, la mission plaide pour une plus grande implication des agences de l’eau et de la Caisse des Dépôts, à travers des contrats pluriannuels globaux avec les collectivités, et ce durant le 11e programme 2019-2024. Le rapport suggère également de ramener le taux de TVA sur l’assainissement (actuellement à 10%) au niveau de celui de l’eau potable (soit 5,5%), comme c’était le cas avant 2014, “pour faciliter, sans augmenter les prix, la reprise des investissements de renouvellement”, ainsi que le financement des efforts de tarifications plus équitables. Un “chèque eau” national pourrait être greffé sur le chèque “énergie” instauré par la loi sur la transition énergétique.

Durant les cinq années à venir, l’Etat ne doit pas non plus négliger son rôle dans l’accompagnement de la réduction du nombre d’autorités organisatrices, dont le nombre devrait passer de 24.000 à 2.000, voire 1.500. Pour éviter quelques écueils, la nouvelle carte des autorités organisatrices doit tenir compte des infrastructures physiques. Lors de l’élaboration des stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau, les préfets coordonnateurs de bassin, avec l’appui des comités de bassin, doivent en particulier veiller aux “coûts inutiles de restructuration de réseaux ou de comptages entre nouvelles autorités”, et favoriser “les interconnexions et les mutualisations d’ouvrages”. Il revient enfin à l’Etat de définir “un cadre réaliste” pour les convergences tarifaires au sein des autorités organisatrices. Le rapport préconise un délai de cinq ans, pouvant être “porté par le préfet de département à dix ans par dérogation si des circonstances particulières le justifient”.

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