Pollution des villes : les pneumologues alertent les élus locaux

Réunis par le Réseau action climat, des médecins spécialisés en pneumologie et pneumo-pédiatrie tirent la sonnette d'alarme sur la pollution qui s'accroît dans les villes et ses effets dévastateurs sur leurs habitants. Ils réclament plus de moyens de surveillance et appellent à une mobilisation collective. 

 

“Rien ne s’améliore, au contraire les choses empirent”. Le message des experts en pneumologie, transmis le 10 janvier par l’entregent de l’association Réseau action climat, est clair et limpide. A mille lieues du message faussement rassurant servi par d’autres édiles, ou de la focalisation médiatique sur les pics de pollution. “Il y a plus important que les pics, c’est la pollution de fond, toujours présente et qui fait des ravages sur les habitants les plus sensibles, femmes enceintes, enfants, personnes âgées ou diabétiques, etc.”, insiste Jean-Philippe Santoni, pneumologue et administrateur de la Fondation du souffle. “Contrairement à ce qu’on entend, la pollution ne fléchit pas dans nos villes. Parler d’émissions de polluants ne suffit pas, ce qui nous intéresse c’est leur concentration. Or les données manquent en la matière. La vulnérabilité sociale à la pollution, pour les habitants relégués près des grandes infrastructures routières comme le périphérique parisien, est aussi un vrai sujet, étudié à l’étranger, peu chez nous”, ajoute Isabella Annesi-Maesano, chercheuse à l’Inserm experte du sujet.

 

Courage politique

Certes, certains niveaux de pollution ont diminué. Mais la seule baisse significative concerne le dioxyde de soufre, détaille un guide publié en septembre dernier par l’association et destiné aux élus. Les autres inflexions ne sont que très légères. “Ou bien c’est une nette augmentation, pour l’ozone et les particules fines”, pointe Isabella Annesi-Maesano. Faut-il espérer que le renouvellement du parc routier infléchira la courbe ? “Il ne changera rien. Mais des solutions existent. Elles sont connues. Les élus les connaissent, les habitants parfois aussi. Il faut donc trouver le courage d’aller jusqu’au bout et de les appliquer.”

Paris est rarement citée comme un exemple en la matière. “Pour une fois elle l’est, avec une mesure connue pour son efficacité, l’entrée en vigueur le 16 janvier d’une zone à circulation restreinte”, explique Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement (FNE). Critique envers ceux qui troublent le message, il insiste, aux côtés des pneumologues, sur le fait que c’est bien la circulation automobile qui pose problème : “Dire que c’est les feux de cheminée, un enjeu réel mais saisonnier et relativement bien pris en charge, ou que les maladies respiratoires ne sont dues qu’au tabagisme, arrange bien les constructeurs automobiles”. “L’effet cocktail entre tabagisme et pollution est une chose, il y en a aussi un entre la pollution de fond et les pollens, et on sait qu’il est un grand déclencheur d’allergènes”, rebondit Jean-Philippe Santoni, qui plaide par ailleurs pour que plus de moyens soient accordés à la recherche en matière de santé respiratoire.

 

Sortir du fatalisme

Face au fatalisme qui s’installe autour de cet enjeu de qualité de l’air, les spécialistes appellent au bon usage de la raison. “Pourquoi des élus font-ils marche arrière et abandonnent des projets qui favorisent le retour de la voiture en ville, en assouplissant les zones 30, en créant du stationnement gratuit le week-end ? Ça, c’est par exemple loin d’être raisonnable”, déplore ainsi Olivier Schneider, président de la Fédération française des associations d’usagers de la bicyclette (FUB). Il cite à l’appui une étude publiée fin 2015 par le Groupement des autorités responsables de transports (Gart), et estime qu’une centaine de villes, essentiellement des villes moyennes, remettent actuellement en question des choix opérés en matière de projets de mobilité durable, revenant ainsi des années en arrière en redonnant de la place à la voiture en centre-ville.

Le guide de Réseau action climat plaide, à l’opposé, pour “une action ferme et ambitieuse” et liste les bénéfices à en tirer, qui sont “multiples, tangibles et dépassent la sphère environnementale”. Construit en quatre parties, sur une cinquantaine de pages, ce document mise sur la clarté et la pédagogie. Il revient sur le rôle des zones de circulation apaisée ou à trafic limité. Cite des exemples locaux, détaille les solutions à la disposition des élus pour faire de leur ville une collectivité plus respirable. Les liens avec les politiques cyclables et de stationnement sont également décryptés.

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