Lutte contre l’artificialisation des terres : les collectivités doivent faire mieux

 

Une étude récente du Ministère de l’Environnement montre que l’artificialisation des terres continue en France malgré un encadrement renforcé. Elle préconise plusieurs axes, juridique et fiscal, pour pousser les autorités locales à l’action.

 

Mal connue, mal encadrée, l’artificialisation des terres se poursuit inexorablement. Mais lutter contre ce phénomène pourrait gagner en efficacité si l’on s’en donne les moyens juridiques et fiscaux. C’est ce qu’on peut retenir de l’étude récente publiée par le Ministère de l’Environnement “Artificialisation : de la mesure à l’action“.
Premier constat, l’absence de mesure fiable du phénomène. “Le système actuel de suivi des espaces artificialisés constitue un assemblage de sources d’informations hétérogènes qui ne permet pas de disposer d’un outil de suivi annuel précis“, dénonce l’étude.

 

Organiser le suivi de l’occupation des sols

Selon la dernière en date, l’enquête Teruti-Lucas 2014, les territoires artificialisés ont progressé, entre 1981 et 2012, de 1,64% par an, soit 67.000 ha par an, soit encore 180ha par jour. À cette allure, le taux d’artificialisation d’environ 10% aujourd’hui passerait à 14% en 2050 et 20% en 2100.

L’objectif de réduire de moitié le rythme de consommation des terres agricoles d’ici à 2020, affiché par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010, et celui de l’UE de stabiliser la superficie artificialisée en 2050 supposent avant tout un meilleur suivi de l’occupation des sols.
L’outil est en cours de construction. “Il s’agit du référentiel national Occupation des sols à grande échelle (OCS GE) qui constituera à terme une base de données de référence pour la description de l’occupation des sols dans l’ensemble du territoire métropolitain et des départements et régions d’outre-mer“, signale l’étude.
Et l’obligation de numérisation des documents d’urbanisme depuis le 1er janvier 2016 complètera cette information. En effet, à l’horizon 2020, tous les documents d’urbanisme seront accessibles sous format numérisé sur une même interface, le géoportail de l’urbanisme.

 

La responsabililté des collectivités

Mais paradoxalement, l’artificialisation des terres se poursuit malgré un encadrement législatif renforcé depuis les années 2000. “Si la thématique de la lutte contre l’artificialisation des sols apparaît très présente dans la réglementation nationale et le cadre légal des documents d’urbanisme, sa mise en œuvre concrète sur les territoires dépend de son appropriation par les collectivités locales“, constate l’étude, qui pointe en particulier le caractère facultatif de nombreux outils de densification.

Pour pousser les élus à l’action, l’étude préconise de fixer un objectif national volontariste de limitation de l’artificialisation, comme l’a fait l’Allemagne qui s’est fixé la cible de 30 hectares par jour en 2020. Et comme “la transformation d’espaces naturels et agricoles en espaces artificialisés constitue une question autant quantitative que qualitative”, elle propose de le doubler d’un suivi local de l’artificialisation pour que la priorité soit donnée au réemploi de gisements fonciers déjà artificialisés à travers notamment la densification du bâti des logements.

 

Réformer l’outil fiscal

Autre voie d’action explorée, la fiscalité. “Parmi les taxes existantes, il existe deux dispositifs fiscaux spécifiquement conçus pour lutter contre l’artificialisation des sols : le versement pour sous-densité (VSD) et la taxe sur les terrains nus devenus constructibles“, explique l’étude. Mais elle juge que la première “ne constitue pas un obstacle majeur à la construction neuve” et que la seconde “est très peu utilisée par les communes. Au 31 décembre 2015, seules 25 communes avaient mis en place ce dispositif dans un ou plusieurs secteurs de leur territoire”.

Mais sa généralisation à toutes les communes aurait un impact positif. “Un VSD avec un seuil minimal de densité égal à la médiane des densités de bâti, conduirait à une diminution de la demande de foncier de l’ordre de 6%, soit environ 3.000ha de surfaces non artificialisées“, chiffre l’étude.
Autre voie explorée, celle de donner la possibilité au Scot de fixer un seuil minimal de densité. Des pistes intéressantes, mais qui, pour être mises en œuvre, nécessitent d’abord et surtout une véritable volonté politique.

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