L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse plaide pour une vraie gestion durable

Seul un quart des services d’assainissement a de bonnes pratiques en matière d’amortissement et provisionne le renouvellement, alors que cela constitue une mécanique comptable indispensable à une gestion durable du patrimoine. C’est le résultat d’une étude que publie l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse sur les pratiques d’amortissement des collectivités.

Selon l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, devant l’ampleur des sommes d’argent à investir prochainement (le ministère de l’Ecologie estime à près d’1,5 milliard d’euros par an, dont 350 millions en Rhône-Méditerranée, les travaux nécessaires à l’atteinte des rendements exigés par la loi des seuls réseaux d’eau potable) les collectivités doivent repenser la gestion de leur patrimoine. Elles peuvent mettre en œuvre dès à présent les actions nécessaires à une gestion durable de leur patrimoine d’eau et d’assainissement (connaissance du patrimoine, pilotage de la performance, maintenance, amortissement et anticipation financière des investissements, planification du renouvellement et réalisation des travaux selon les règles de l’art par le respect des chartes qualité), sous peine de transmettre une dette aux générations futures.

Rappelons que l’eau potable et l’assainissement des eaux usées sont des compétences des communes ou de leurs groupements en France, que la gestion soit déléguée ou non. Une comptabilité séparée est même obligatoire“, souligne l’agence. Le patrimoine de l’eau est évalué à plus de 85 milliards d’euros pour les seuls bassins Rhône Méditerranée et de Corse (1/4 de la France) et financé au quart par l’agence de l’eau : 3.700 stations d’épuration, 650 usines de traitement de l’eau potable, plus de 270.000 kilomètres de réseaux d’assainissement et d’eau potable. Les collectivités doivent l’entretenir et le renouveler régulièrement pour maintenir un haut niveau de performance de ces ouvrages.

 

La non-action coûte cher aux collectivités

Les pratiques actuelles des collectivités ne reflètent pas encore une gestion durable du patrimoine, estime l’agence de l’eau mais des solutions existent. La France n’a jamais autant investi dans la mise aux normes des stations d’épuration qu’en 2010, et ce, pour de bons résultats. Malheureusement le reste du patrimoine vieillit à un rythme accéléré et menace son bon fonctionnement, autant qu’il expose l’avenir à des risques d’à-coups sur le prix de l’eau. L’Onema évalue, qu’au taux actuel de renouvellement, il faudrait 140 ans pour renouveler l’ensemble des réseaux d’assainissement et 160 ans pour les réseaux d’eau potable, bien plus que leur durée de vie nominale (autour de 60 ans). “Les collectivités doivent mobiliser au mieux les outils comptables et financiers dont elles disposent pour dégager suffisamment de moyens financiers pour faire face à ces enjeux, entre autres par des bonnes pratiques d’amortissement du patrimoine – aujourd’hui seul un quart des services d’assainissement amortit l’ensemble de son patrimoine et 8% selon des durées en phase avec la durée de vie estimée des équipements – ou par des provisions complémentaires en vue des travaux“, explique l’agence.

Selon l’étude, la non-action coûte cher aux collectivités, à commencer par les fuites des réseaux d’eau potable. Une majorité de collectivités perd entre 30 et 50% de l’eau prélevée dans la nature : 1 à 2 litres d’eau sur 4 prélevés dans la nature sont gaspillés dans les fuites. La loi Grenelle 2 a été la première à s’en préoccuper et le ministère de l’Écologie a pris un décret d’application le 27 janvier 2012 pour imposer aux collectivités la réalisation d’un diagnostic de leur patrimoine d’eau potable et d’assainissement d’ici fin 2013, puis l’élaboration d’un plan de résorption des fuites si le rendement de leur réseau d’eau potable est inférieur à 85% en ville, ou 65 à 80% en milieu rural. “A défaut, la redevance de prélèvement d’eau payée à l’agence de l’eau sera doublée dès 2014, ce qui peut représenter des millions d’euros à l’échelle d’une grande agglomération, qui s’ajouteront aux coûts supplémentaires déjà générés par les fuites (électricité pour le pompage, réactifs pour le traitement…)“, précise l’agence.
Signe d’espoir, plus de 500 collectivités font déjà la chasse aux fuites d’eau avec l’aide de l’agence de l’eau obtenue dans le cadre d’un appel à projets lancés en 2012.

 

“Le rural s’approche d’un mur de l’investissement”

Les résultats de l’enquêtent montrent que du côté des services d’assainissement, les enjeux sur le patrimoine se déplacent. Si les grandes stations d’épuration des eaux usées sont aujourd’hui aux normes après une période de lourds investissements, ce n’est pas le cas des plus petites, qui vont nécessiter des investissements dans les années à venir. Ceux-ci viendront s’ajouter à la maintenance et au renouvellement habituel du parc existant, déjà coûteux.
Le rural s’approche d’un mur de l’investissement alors que son patrimoine vieillit dangereusement : l’étude de l’agence montre que 90% des stations de plus de 40 ans traitent moins de 1.000 habitants. En première réponse l’agence de l’eau augmente de 50%, à hauteur de 100M€, ses dotations annuelles pour ces territoires à partir de 2013, sans pouvoir compenser la diminution des aides des conseils généraux. Le conseil d’analyse stratégique (CAS), dans une note d’avril 2013, pose la question du regroupement des 35.000 services d’eau et d’assainissement, la France atteignant un record de morcellement.

L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse investit le champ de la gestion durable du patrimoine d’eau et d’assainissement au travers de son programme d’action 2013-2018 “Sauvons l’eau“. Elle finance les inventaires et les diagnostics du patrimoine, les schémas directeurs et les études pour mieux planifier et structurer les services ainsi que l’assistance technique aux services ruraux par l’intermédiaire des services d’assistance technique des Conseils généraux.
L’agence continue à aider la lutte contre les fuites des réseaux d’eau potable. Sur l’assainissement, elle ne finance plus la modernisation des stations d’épuration des grandes agglomérations (plus de 15.000 équiv. habitants). En revanche, elle maintient ses aides pour les stations des plus petites villes et ses primes de performance épuratoire des systèmes d’assainissement.

Référence : Enquête réalisée auprès de 197 services d’assainissement, représentant 5% des services d’assainissement des bassins Rhône-Méditerranée et Corse et 6,9 millions d’habitants, soit 44% de la population raccordée des bassins.

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