Fermeture de lignes, dégradation de l’offre : les usagers des transports ferroviaires interpellent le Premier ministre

Dans une lettre ouverte au Premier ministre sur l’avenir de la SNCF, rendue publique le 10 novembre, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) déplore la dégradation de l’offre, le manque de visibilité sur la stratégie de l'entreprise publique et partage sa crainte d'une baisse accélérée des services, notamment sur les TGV et Intercités.

 

“Nous demandons un moratoire, au moins le temps des Assises de la mobilité, sur les fermetures de lignes et suppressions de services nationaux et régionaux de voyageurs et d’auto-train, raison pour laquelle nous nous adressons aussi aux autorités organisatrices régionales”, a déclaré le 10 novembre Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. La Fnaut a rendu publique ce même jour une lettre ouverte au Premier ministre et vient de faire remonter ses inquiétudes sur la dégradation de l’offre ferroviaire auprès de son cabinet et celui d’Élisabeth Borne : “Ils nous écoutent mais pas sûr qu’on soit réellement entendus”, glisse-t-on dans cette association qui est partie prenante du chantier des Assises de la mobilité, en tant que porte-parole des usagers. “Nous proposerons des retouches au projet de loi qui en ressortira début 2018, notamment sur un autre sujet, les droits des usagers, dont les acteurs de la nouvelle économie et des nouvelles mobilités tendent à s’affranchir”, confie Bruno Gazeau.


Plus de visibilité

Des usagers de plus en plus mécontents suite aux annonces en cascade, déplore l’association, “de fermetures de lignes ou de ralentissements inopinés dans plusieurs régions, de réductions de services persistantes sur le TGV à périmètre de réseau constant, sur les Intercités, sur certains TER, causées par une dérive catastrophique des coûts”. Et d’exiger plus de visibilité sur ces fermetures, sur leur planification dans le temps, pour ne pas être mis constamment dos au mur : “Dans cette logique du fait accompli et de l’opacité, l’usager sort perdant, alors qu’avant d’envisager une fermeture des alternatives pourraient être collectivement étudiées. Consulter les départements et régions ne suffit plus, les usagers doivent aussi l’être”, avance Bruno Gazeau.

 

L’exemple des TET

Dans les Hauts-de-France, où Christiane Dupart préside l’antenne régionale de l’association, il est fait état d’une recrudescence du nombre de demandes d’indemnisations suite à des retards ou dysfonctionnements de TER ou d’Intercités : “Un mauvais signe mais à la SNCF, on nous rétorque que c’est un problème de maintenance, de matériel, de personnel”, témoigne-t-elle. “SNCF Mobilités supprime aussi des circulations TGV. Le Paris-Nice, annoncé comme déficitaire, est par exemple sur la sellette”, rebondit Jean Lenoir. Vice-président de la Fnaut, ce dernier pointe “une spirale de la régression, qui embourbe et ne mène à rien. Prenez par exemple les trains d’équilibre du territoire : lors de la signature fin 2010 de la convention TET, cinq relations atteignaient l’équilibre d’exploitation. Aujourd’hui, il n’y en a plus aucune et le déficit augmente malgré la suppression continuelle de circulations”.

 

La hausse des péages a bon dos

Pour la Fnaut, la hausse des péages n’explique pas tout : “Elle constitue certes un des facteurs de dégradation des résultats, mais comme la Cour des comptes l’a mentionné, il persiste une forte dérive des charges de SNCF Mobilités.” A ses yeux ce n’est donc pas le modèle économique du TGV qui chancelle, comme cela est généralement annoncé (voir notre article du 9 novembre 2017), mais celui tout entier de la SNCF. Sa stratégie doit être revue : “Il faut y remettre de l’ordre, que l’Etat la reprenne la main afin de pérenniser, le ferroviaire autrement que sur un seul noyau très limité de relations”, va jusqu’à prescrire Bruno Gazeau. Et de brandir à l’appui l’exemple de nos voisins suisse et allemand, “où cela fonctionne, avec même des lignes réouvertes, à l’aide de subventions réduites, accordées par les autorités organisatrices”.

 

Air France pour modèle ?

L’association va plus loin et suggère à l’entreprise publique – quitte à hérisser le poil de certains – de s’inspirer d’Air France pour remuscler sa stratégie de croissance : “Air France a su mobiliser un personnel très attaché à son métier et faire des efforts d’amélioration de la performance, dans une démarche à terme gagnant-gagnant.” En attendant les décisions qui seront prises à l’issue des Assises de la mobilité et des propositions de la mission Spinetta sur l’avenir du transport ferroviaire, la Fnaut demande pour finir une présentation rapide au Parlement du projet de service des TGV, “car il est impératif de ne pas se retrouver avec les TGV devant le fait accompli, comme cela a été le cas pour les Intercités avec un nombre de relations subsistantes très réduit et exploitées de façon catastrophique”.


SNCF Réseau favorable à la reprise de sa dette

Retour du serpent de mer de l’endettement ferroviaire, avec cette nouvelle déclaration de Patrick Jeantet, lors d’une audition le 9 novembre devant la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Le président de SNCF Réseau, gestionnaire du réseau ferré français, s’est dit “évidemment favorable” à une reprise “totale ou partielle” de sa dette par l’État. Abyssale, celle-ci ne cesse d’enfler chaque année et dépasse désormais les 46 milliards d’euros. “L’impact de la dette porte sur l’ensemble du réseau. Nous payons 1,3 milliard d’euros de frais financiers par an. Si on veut stabiliser le modèle financier du système ferroviaire français, ce problème de la dette doit être un jour ou l’autre résolu”, a-t-il expliqué aux députés. Dans l’attente des recommandations qui seront formulées en janvier prochain par Jean-Cyril Spinetta, chargé par le nouvel exécutif de proposer des pistes de refondation du modèle ferroviaire français, y compris sur les modalités de la prise en charge et de remboursement de cette dette, le dirigeant de SNCF Réseau n’en a pas dit plus mais n’a pas manqué d’insister sur cet enjeu qui taraude : “Chaque année, la question revient et se pose ainsi : est-ce qu’une partie de cette dette ne serait pas indirectement reconsolidée dans la dette d’État ?” Affaire à suivre.

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