Espaces périurbains : une France pas si moche

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) donne à voir, dans un rapport consacré à la gestion des franges et des espaces périurbains, une image beaucoup plus contrastée et positive de ces territoires regroupés sous la dénomination peu flatteuse de "France moche".

Dans un rapport, rendu public ce 7 octobre, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) considère la requalification des espaces périurbains comme “une priorité nationale, à relayer par tous les services déconcentrés de l’Etat et à partager avec les nouvelles régions ainsi que l’ensemble des collectivités territoriales et tous leurs regroupements”.

Loin des caricatures, stigmatisant “la France moche”, le rapport s’attache à définir et à qualifier les franges urbaines, au sens large du terme, à savoir ces “couronnes périphériques des grandes et autres aires, territoires multipolarisés des grandes aires, y compris lisières internes ou externes de ces espaces”. Développées depuis une quarantaine d’années, “de façon souvent désordonnée”, ces franges urbaines présentent en effet des “caractéristiques géographiques, paysagères, économiques et sociales d’une grande diversité”. Ces espaces périurbains abritent en outre près du quart de la population française (23,5% de la population, voire 24,3% en prenant en compte les couronnes des autres aires).

 

“Campagnes urbaines”

La mission appréhende cette “réalité complexe et diversifiée” à partir de quatre études de cas (un territoire de parc naturel régional en frange de l’Ile-de-France, à savoir le Gâtinais français, l’aire urbaine rennaise, le périurbain toulousain, enfin un secteur d’ancien bassin industriel en reconversion, le Valenciennois), pour mieux analyser “les enjeux majeurs auxquels sont confrontés ces espaces, avec leurs fragilités et leurs potentialités”. Au travers de ces exemples, le CGEDD développe des éléments de réponse à la question du périurbain, promouvant un discours positif, structuré autour d’une “appellation valorisante”, qui pourrait être celle de “campagnes urbaines de France”. Cette structuration passe avant tout par l’émergence de “villes-territoires”, organisées selon un modèle polycentrique et hiérarchisé autour des nœuds de transports et des pôles de commerce et d’animation.

Au-delà du thème du périurbain, cette action appelle à “une refonte globale” de l’urbanisme commercial, donnant aux régions “un rôle majeur de régulation”, selon les principes de l’aménagement durable. La politique du paysage sous tous ses aspects (connaissance, observation, préservation et gestion, requalification) doit être “au cœur” de cette nouvelle approche d’aménagement durable de ces territoires, se conciliant avec une gestion économe de l’espace. Propices à l’expérimentation, ces territoires périurbains doivent en particulier être pris en compte dans les programmes de soutien à l’innovation et de promotion de la ville durable (mobilité, maîtrise de l’énergie, économie circulaire…).

 

Du bon usage des outils de planification

Les dernières réformes territoriales (périmètres larges des nouvelles intercommunalités, dont les métropoles) devraient faciliter la gouvernance de ces espaces, dont la nature même, entre urbain dense et rural, “appelle la mise en place de processus de négociation et de contractualisation entre plusieurs entités territoriales”. Créé dans le cadre de la loi NOTRe, l’établissement du futur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) constitue en particulier “un cadre d’action essentiel”. Mais sans attendre le déploiement de cet instrument novateur, le développement des schémas de cohérence territoriale (Scot) et Inter-Scot, des plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), et, en attente de leur généralisation, des projets d’aménagement et de développement durable (PADD) intercommunaux, “demeure la recommandation la plus pertinente”. Les cas analysés, notamment Rennes et Toulouse, montrent l’enjeu fondamental du bon usage des outils et méthodes de planification. Pour ce faire, il convient d’intégrer toutes les dimensions, économiques et foncières, y compris commerciales, ainsi que l’évaluation portant sur les impacts financiers des choix d’aménagement.

 

Pour une ingénierie territoriale interdisciplinaire

Autre handicap à lever : la faiblesse de l’ingénierie “tant au sein des collectivités territoriales que dans l’offre privée”. Le CGEDD plaide pour le déploiement d’une ingénierie territoriale interdisciplinaire orientée vers la mise en œuvre des projets. En parallèle, il convient de mettre en place des méthodes et des outils de financement appropriés. Une meilleure répartition des usages et des affectations de la taxe d’aménagement “en fonction des besoins d’ingénierie des divers territoires” est à envisager. Des modes de financements novateurs sont également à inventer tels que des fonds participatifs, des mécanismes de solidarité intergénérationnelle, des incitations fiscales ciblées pour faciliter l’investissement dans les pôles structurants du périurbain. Aux côtés des démarches participatives (“bottom-up” sur le modèle allemand), la mobilisation des opérateurs comme les établissements publics fonciers, les sociétés d’économie mixte, sociétés publiques locales et l’Etablissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca) a également un rôle à jouer. Enfin, un vaste chantier de méthodologie de l’ingénierie de conseil aux élus et de valorisation des bonnes pratiques (charte interdisciplinaire des professionnels : architectes, urbanistes, paysagistes, agronomes…) est à ouvrir.

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