Erosion dunaire : les habitants du Signal naufragés

Par un arrêt rendu le 16 août dernier, le Conseil d’Etat a confirmé le refus d’engager la procédure d’expropriation pour risque naturel majeur à l’endroit des habitants de la résidence Le Signal à Soulac-sur-Mer (Gironde), estimant que l’érosion dunaire n'entrait pas dans le domaine d'application de l'article L. 561-1 du Code de l’Environnement qui en définit le champ d’intervention. Cette décision marque donc un nouveau revers contentieux pour le syndicat des copropriétaires à l’origine de ce recours en excès de pouvoir qui voit dans le même temps anéantir tout espoir d’indemnisation par le fonds Barnier.


Édifiée dans les années soixante, cette résidence aujourd’hui située à moins de 10 mètres de l’océan est emblématique de l’érosion de la côte aquitaine. En lutte avec l’Etat et les collectivités territoriales pour obtenir un enrochement autour de l’immeuble, les propriétaires évacués depuis 2014 demandent en vain à être indemnisés pour leur bien promis à s’écrouler. Le syndicat de copropriétaires a épuisé les voies de recours internes, y compris devant le Conseil constitutionnel. Le 6 avril dernier, les Sages ont ainsi rejeté la question prioritaire de constitutionnalité qu’il avait soulevée à l’occasion du pourvoi formé devant le Conseil d’Etat. L’affaire était depuis pendante devant la Haute juridiction, qui devait se prononcer sur le fond. Mais en réalité, cette question d’interprétation avait d’ores et déjà été tranchée par le Conseil d’Etat dans sa décision de renvoi : celui-ci ayant indiqué “qu’il résultait des dispositions de l’article L. 561-1 (…) que le législateur n’avait pas entendu étendre le régime d’expropriation qu’elles instituent aux risques liés à l’érosion côtière, lesquels ne sont assimilables ni aux risques de submersion marine, ni, par eux-mêmes, aux risques de mouvements de terrain”. Cette position est donc sans véritable surprise.

 

Conditions cumulatives

La procédure d’expropriation est subordonnée à deux conditions d’application cumulatives, rappelle ici le Conseil d’Etat : d’une part, que “les risques en cause soient au nombre des risques prévisibles dont elles dressent limitativement la liste” et, d’autre part, “qu’ils menacent gravement des vies humaines”. C’est dans l’application de cette première condition que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, estimant que l’érosion côtière concernant l’immeuble Le Signal relevait des risques de submersion marine et faisant, par suite, application des dispositions de l’article L. 561-1.
En revanche, il en va autrement s’agissant de son appréciation de l’existence d’un risque pour les vies humaines. Les mesures de polices – telles que la mise en place d’un dispositif de surveillance, d’alerte, d’évacuation temporaire des résidents de l’immeuble et d’un périmètre de sécurité – ont en particulier permis “d’assurer la sécurité des personnes en amont de la réalisation de ces risques”, relève le Conseil. Dès lors la cour en a justement déduit, estime-t-il “que les risques en cause ne pouvaient, à la date de la décision contestée, être regardés comme menaçant gravement des vies humaines au sens des dispositions de l’article L. 561-1”. Le Conseil d’Etat concentre son dispositif sur ce second motif pour rejeter le pourvoi du syndicat de copropriétaires. 
Le feuilleton pourrait à présent rebondir sur le terrain parlementaire. Sachant que l’agenda parlementaire est déjà surchargé, la chance de voir aboutir les travaux engagés sur le phénomène d’érosion côtière apparaît toutefois très réduite.

 

> Voir l’arrêté du Conseil d’État, 6ème chambre, 16/08/2018, 398671, Inédit au recueil Lebon

Photo © Patrick Janicek-Flickr

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