Contrats Etat-SNCF : friture sur la ligne

Avec deux ans de retard, les trois contrats liant l’État au groupe public ferroviaire ont été signés le 20 avril. Déterminants pour l'avenir du rail, ils parachèvent la mise en œuvre de la réforme ferroviaire de 2014 et tentent de fixer une vision stratégique à long terme. Les représentants des régions associés au vote se sont abstenus et pointent un désengagement du financement d’une large partie du réseau. Au Sénat, on dénonce un manque de consultation et déplore que nulle réponse ne soit donnée à la stabilisation de la dette de SNCF Réseau.

 

 Attendu de longue date par les acteurs du secteur, le contrat opérationnel liant pour dix ans l’Etat à SNCF Réseau ont été signés le 20 avril par le ministre de l’Economie Michel Sapin, le secrétaire d’Etat chargé des transports Alain Vidalies et le président de cette entité du groupe public ferroviaire, Patrick Jantet. 

Prévu par la loi de réforme ferroviaire du 4 août 2014, il n’a pas été transmis au Parlement comme la loi le dictait. Ainsi sa signature, comme en catimini, à quelques jours du premier tour de la présidentielle, “n’est pas convenable” critique le sénateur UDI-UC de l’Eure Hervé Maurey. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qu’il préside au Sénat s’est exprimée le 19 avril sur le sujet, à l’issue d’une série d’auditions. Ce contrat est, rappelle-t-elle, “un outil de pilotage essentiel, censé matérialiser le retour de l’Etat-stratège annoncé par le gouvernement, qui doit permettre le redressement financier du gestionnaire du réseau, par une meilleure maîtrise de ses coûts et la stabilisation de sa dette colossale à horizon de dix ans“.

 

Lacunes dans le fond, entorses à la forme

Mais sur le fond comme sur la forme, le compte n’y est pas. Sur la forme, ce contrat est critiqué par le Parlement, qui n’a pas été associé à son processus d’élaboration. “Même la simple obligation, somme toute basique, de transmission du projet de contrat au Parlement n’a pas été respectée“, poursuit Hervé Maurey. Sur le fond, la commission sénatoriale renvoie à l’avis du gendarme du rail, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Dans son avis publié fin mars, le régulateur estimait que ce document ne remplissait pas les objectifs assignés par la loi de réforme ferroviaire, reposait sur des hypothèses économiques jugées “peu crédibles“, souffrait de “carences dans le choix et la définition des indicateurs de performance de SNCF Réseau” et ne résoudrait en rien les problèmes structurels du système ferroviaire.

 

Dérapage de la dette

S’il saluait certains efforts d’investissement en faveur de la rénovation du réseau ferré, cet avis de l’Arafer renvoyait l’Etat dans les cordes, pointait un manque de sérieux, lui demandait de revoir sa copie. Pour Hervé Maurey et les membres de sa commission au Sénat, “le régulateur, qui pèse toujours ses mots, plaidait pour une refonte du contrat. Il aurait été judicieux d’en tenir compte. Comme ce n’est pas le cas, le contrat signé en l’état rend très peu crédible la perspective d’un redressement de la trajectoire financière du gestionnaire du réseau. Sa dette, qui dépassera 63 milliards d’euros dans dix ans, aura augmenté de plus de 40% au cours de la période sans qu’aucune mesure ne soit même envisagée par l’Etat pour y faire face. Au final, si les choses ne sont pas remises en ordre, la SNCF court un véritable danger“.

 

Six objectifs stratégiques

Politique de maintenance, de gestion du réseau “différenciée selon les usages”, renforcement en vue d’améliorer la qualité de service d’une “approche partenariale avec les utilisateurs du réseau ferré national“, innovation et nouvelles technologies…
Le contrat en question signé avec SNCF Réseau décline six axes stratégiques et confirme la priorité donnée à la maintenance et au renouvellement du réseau ferroviaire, “avec un total de 46 milliards d’euros d’investissements programmés sur le réseau existant durant les dix ans du contrat“, chiffre le communiqué commun au ministère de l’Economie et au secrétariat d’Etat aux transports.
Associés au vote sur ces projets de contrat, les représentants des régions aux organes de gouvernance de SNCF et de SNCF Réseau se sont abstenus, estimant que ces documents “ne vont pas jusqu’au bout des choses”, estime Régions de France. Or “ils auraient dû être l’occasion de fixer un cap clair à l’entreprise publique gérant le réseau ferré“.
Grâce à ces contrats, Régions de France trouve que SNCF Réseau sera “en mesure de mieux planifier les travaux de rénovation et d’anticiper les impacts de ces travaux sur les circulations, sous couvert du respect des engagements de l’Etat sur les financements des CPER (contrats de plan Etat-région, ndlr)”. C’est bien sur le volet des engagements que le bât blesse : “Les engagements respectifs de l’Etat et de SNCF Réseau sont les grands absents de ce projet de contrat“, dénonce ainsi l’association.

 

Les petites lignes : aux oubliettes !

Au sujet de l’avenir du réseau secondaire, l’Arafer alertait sur l’absence d’engagement financier. Les Régions, également, “regrettent l’abandon par l’Etat de la moitié du réseau sur les lignes dites UIC 7 à 9, petites lignes recouvrant 46% du territoire français“. “Les objectifs d’aménagement du territoire et de développement durable sont aussi absents des contrats“, complète Hervé Maurey. Les Régions demandent donc à l’Etat qu’il maintienne sa “priorité pour le réseau existant et les trains du quotidien et qu’il accompagne les collectivités qui souhaiteront s’engager pour sauvegarder les lignes menacées de fermeture, là où elles répondent à des besoins de mobilité“, conclut-on chez Régions de France.

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