Collectivités et entreprises se préparent à une crue de la Seine avec EU Sequana 2016

Pas moins de 87 organismes se sont lancés dans une répétition générale, qui va durer deux semaines, de la gestion d'une crue centennale de la Seine. Un exercice qui mobilise 200 personnes par jour et quatre pays européens.

Se débarrasser de l’image d’Epinal de la crue de la Seine en 1910. C’est un des enjeux de l’exercice de simulation d’une crue du fleuve, qui a débuté ce lundi 7 mars pour deux semaines. Car les cartes postales de Paris sous les eaux en 1910 ne sont pas très utiles pour préparer la survenue d’un tel événement cent ans après. L’électricité était peu répandue, les chevaux étaient bien moins gênés pour circuler dans l’eau que ne le seront les voitures, les transports souterrains étaient peu développés… « A quantité d’eau égale, les conséquences seront très différentes », martèle Jean-François Carenco, préfet d’Ile-de-France. Selon les estimations, 430 000 logements sont exposés (soit 830 000 personnes), et 100 000 entreprises et 750 000 emplois. Des usines de production d’eau potable seront sous l’eau, tout comme des dépôts pétroliers, des axes de transport majeurs (autoroutes, train, RER), etc. En petite couronne, 95 % des zones inondables sont urbanisées ! Le conséquences pourraient se chiffrer à 30 milliards d’euros et plusieurs années pour le retour à la normale.

L’exercice, baptisé EU Sequana 2016, est préparé depuis près de deux ans par 87 organismes. « C’est le premier exercice européen de ce type, de par sa durée et le nombre d’acteurs qu’il implique  », souligne Michel Cadot, préfet de police. Toutes les collectivités concernées participent (communes, départements, région), ainsi que les grands opérateurs de service (électricité, gaz, eau potable, hydrocarbures, télécoms, chauffage urbain, déchets, banque et assurance, etc.) et les services publics. En outre, des experts de Belgique, d’Espagne, d’Italie et de République tchèque seront présents, ainsi qu’une trentaine d’observateurs de 26 pays.


Crue et décrue

La première semaine va simuler la montée des eaux – entre 0,5 et 1 mètre par jour. Le week-end du 12 et 13 mars sera la phase du débordement et du pic de crue, avec des exercices terrain (évacuation d’une maison de retraite, installation d’une unité de traitement des eaux, opérations de dépollution, etc.). Et la deuxième semaine permettra de gérer la décrue et la reconquête des territoires et des activités.

EU Sequana 2016 permettra se tester l’efficacité des dispositifs de gestion et de secours et l’interdépendance des acteurs (les transports en commun étant dépendants du réseau électrique, ou les secours des télécoms). Pour l’alimentation en eau potable, Eau de Paris va tester l’activation d’un puits de secours, sa capacité à alimenter des communes voisines, et le Sedif la sécurisation d’une partie du réseau pour mettre en place des points de distribution collectifs. « Pour les déchets, les principales installations en bordure de Seine, devraient être hors d’eau grâce aux travaux réalisés. Mais pour la collecte, compétence des communes, c’est plus compliqué », indique Hervé Marseille, président du Syctom de l’agglomération parisienne. Le réseau électrique est également un point sensible. « Sur 6 millions de foyers, 1,5 million pourraient subir des coupures d’électricité, même s’ils n’ont pas les pieds dans l’eau », explique Jean-Luc Aschard, directeur délégué d’ERDF. Idem avec les réseaux téléphoniques. Après les inondation à Cannes en octobre 2015, il a fallu un mois et 400 personnes chez l’opérateur pour relancer un central téléphonique !


Sensibiliser le grand public

Surtout, cet exercice doit marquer le début d’une sensibilisation dans la durée de la population. Les responsables publics envisagent désormais de faire appel à la solidarité des citoyens. « 2015, avec les attentats, a été une année de crise. Les citoyens demandent à participer à la gestion des risques », assure Michel Cadot. « Plutôt qu’un réflexe d’évacuation générale de la population, on demanderait aux citoyens d’accueillir des gens chez eux », explique Colombe Brossel, adjointe à la mairie de Paris en charge de la sécurité.

« Les habitants ne peuvent pas se rendre compte de ce que serait une crue centennale aujourd’hui. Même avec les films, car il n’y pas l’odeur, l’eau froide… La sensibilisation est un travail de fourmi à poursuivre car tout change tout le temps », explique Magali Reghezza-Zitt, maître de conférence à l’École Nationale Supérieure.

« Il y a deux crises à gérer : la crue, et l’après-crue. En 1910, 400 000 personnes en banlieue ont eu froid, faim, et ont perdu leur emploi », rappelle Magali Reghezza-Zitt. Quasiment tous les participants vont d’ailleurs tester leur plan de continuité l’activité (PCA). « Il faudra ensuite faire un retour d’expérience rapide », demande Jean-François Carenco, qui regrette de ne pas avoir réussi à inclure des mesures de désimperméabilisation des sols dans le renouvellement du Sdage de l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Sans compter les inconnues, comme les conséquences sur le Paris souterrain, qui plonge de 7 à 8 étages dans le sol.

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