Biodiversité : le projet de loi débute son parcours à l’Assemblée

La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a auditionné la ministre de l'Ecologie le 10 juin sur le projet de loi relatif à la biodiversité. Périmètre et composition de l'Agence française de la biodiversité, déclinaison territoriale, impact de la réforme territoriale, place de l'outre-mer, biodiversité terrestre, sites inscrits, recours aux ordonnances : ces différents points d'achoppement soulevés par les députés pourraient faire l'objet d'amendements. 

Les députés de la commission du développement durable ont débuté l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité, ce 10 juin, par l’audition de la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, qui tiendra lieu de discussion générale. Au préalable, la ministre a salué le travail de son prédécesseur, Philippe Martin, qui avait présenté ce texte en Conseil des ministres le 26 mars dernier, réaffirmant sa volonté de faire aboutir la nouvelle vision de la protection et de la restauration de la biodiversité portée par ce projet.

Les écosystèmes sont au cœur de cette nouvelle approche dynamique reconnaissant les interactions entre les activités humaines et la nature, notamment à travers les services écosytémiques. Le texte – qui comporte six titres et 72 articles – affirme ainsi le principe de “solidarité écologique” (titre 1) et crée de nouveaux outils pour agir plus efficacement, à savoir un “instrument de pilotage intégré”, l’Agence française pour la biodiversité (AFB-titre 3), une instance de débat avec toutes les parties prenantes (le Comité national de la biodiversité-CNB) et une instance d’expertise scientifique (le Conseil national de protection de la nature-CNPN) (titre 2). Le projet de loi modernise par ailleurs la protection des espaces naturels et des espèces sauvages et instaure un mécanisme de partage équitable des avantages tirés de la biodiversité et des savoirs traditionnels autochtones, afin de lutter contre la biopiraterie (titre 4). Pour mieux protéger le milieu marin, il prévoit un cadre adapté aux activités dans la zone économique exclusive ainsi que la création d’une zone de conservation halieutique (titre 5). Le texte élargit enfin la notion de paysage à la nature ordinaire “dont la prise en compte doit être renforcée et améliorée dans les opérations d’aménagement”, a rappelé la ministre, et généralise ainsi les atlas du paysage qui sont dans les territoires “des instruments précieux de sensibilisation populaire et de défense de la qualité paysagère” (titre 6). Une biodiversité mieux protégée, loin d’être une contrainte, c’est également “un formidable gisement d’activités et d’emplois nouveaux ancrés dans nos territoires”, a insisté la ministre pour conclure sa présentation.

 

Périmètre et composition de l’agence à réexaminer

Tout en louant la conception moins patrimoniale et plus dynamique de la biodiversité promue par le projet de loi, la rapporteure pour la commission du développement durable, Geneviève Gaillard, en a souligné les lacunes. Très attendu le texte pourrait, selon la rapporteure, décevoir dans un certain nombre de domaines, s’agissant en particulier du périmètre de la future agence, de sa composition et de son financement. Construite sur le modèle de l’Ademe, l’AFB, qui devrait être opérationnelle en 2015, regroupera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), l’établissement public Parcs nationaux de France, l’Agence des aires marines protégées et le groupement d’intérêt public “Atelier technique des espaces naturels”. Un simple partenariat sera en revanche établi avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), selon la ministre qui a définitivement écarté son intégration. La présidente de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, rejoignant sur ce point Geneviève Gaillard a déploré cette position. La composition du conseil d’administration de l’AFB “déséquilibrée à plusieurs égards” devrait être sérieusement réexaminée, s’agissant en particulier de l’oubli de l’outre-mer, qui concentre pourtant 80% de la biodiversité française, a-t-elle estimé.
Pour la rapporteure, il importe également de ne pas imposer les préfets comme les responsables régionaux ou départementaux de l’AFB. Plusieurs membres de la commission ont également exprimé leurs craintes s’agissant des moyens budgétaires dévolus à l’AFB (à hauteur de 220 millions d’euros), qui reposent en partie sur les redevances des agences de l’eau au risque d’une désorganisation de la politique de l’eau et d’une augmentation de la facture pour les usagers. Certes, l’AFB bénéficiera des moyens complémentaires du programme d’investissements d’avenir, a rappelé Ségolène Royal. Pour ce faire, des conventions entre l’agence et ses déclinaisons territoriales s’articuleront “dans le respect de la diversité des territoires”.

Articulation régionale

Chaque région aura en effet l’opportunité de réfléchir au regroupement des différentes structures concernées par partenariat ou par constitution d’établissements publics de coopération environnementale. S’agissant de la nécessaire articulation territoriale, il convient par ailleurs d’anticiper la réforme territoriale. Outre le niveau régional ou “méga-régional” de demain, qui semble pertinent en référence au bassin versant, un échelon départemental devrait être maintenu par l’intermédiaire des préfets, selon Geneviève Gaillard. “L’intégration et la valorisation de la biodiversité est au final une affaire de proximité”, “sa gestion ne peut se concevoir comme uniquement centralisée, c’est aussi et peut-être surtout dans la mise en œuvre, l’affaire des collectivités, des entreprises, des bénévoles, des réseaux territoriaux”, a insisté la rapporteure. Pour la présidente de la commission des affaires européennes, le texte pourrait préciser quelques lignes d’actions et d’organisation pour le CNPN et le CNB, en particulier les modalités de la déclinaison de ce dernier en région.

Principe de non-régression

Selon les rapporteures, il serait également utile de donner force de principe fondamental aux notions de “mieux-disant environnemental”, de “non-régression du droit de l’environnement” et de “compensation”. Il conviendrait par ailleurs de mieux “objectiver” la notion de paysage qui confine parfois “au culturel voire au poétique”, a remarqué Geneviève Gaillard. Autres enjeux sous-estimés, ceux de la biodiversité terrestre et de l’optimisation des polices de l’environnement. La rapporteure a enfin fait part des oppositions très fortes concernant la suppression de l’inscription des sites reconnaissant cependant “le nécessaire nettoyage à opérer dans ce domaine”. La ministre a pour sa part rappelé la charge administrative très lourde que représente cette procédure pour les services de l’Etat, sans que cela n’aboutisse systématiquement au classement des sites. De nouvelles modalités de gestion et d’inventaire sont à établir “tout en conservant la qualité de cette inscription, a-t-elle relevé.
La discussion se poursuivra les 24, 25 et 26 juin prochains devant la commission par l’examen des articles et des amendements. D’ici là, l’équipe de préfiguration de l’AFB sera mise en place, a assuré la ministre.

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