Au fil de l’eau, de l’assainissement à la consommation

L'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement présente pour la première fois un vaste panorama du secteur réalisé à partir des données locales : organisation des services, modes de gestion, prix, rendement (un quart de l'eau distribuée est perdue !), renouvellement des réseaux... Toujours dans le cadre du Forum mondial de l'eau, les représentants des élus locaux sont intervenus pour réagir à la déclaration ministérielle prononcée la veille à Marseille.

Dans le cadre du Forum mondial de l’eau, l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, lancé en novembre 2009 par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), a présenté pour la première fois un panorama de l’organisation, du mode de gestion, de la qualité et du prix des services publics d’eau et d’assainissement en France.
L’observatoire a en effet pour vocation de collecter les données des communes et intercommunalités se rapportant aux indicateurs de performance (définis en annexe 1 du rapport) qui doivent être calculés annuellement par chaque service. Pour l’exercice 2009, le référentiel de l’observatoire dénombre ainsi 31.445 services publics d’eau ou d’assainissement (14.217 en eau potable et 17.228 en assainissement collectif), dont 74% gérés directement par la collectivité compétente. Parmi l’ensemble de ces services, 4.214 ont renseigné la base de données de l’observatoire pour l’eau (soit 70% de la population desservie) et 4.281 pour l’assainissement collectif (soit 59% de la population raccordée). En revanche, faute de données suffisantes, les éléments concernant l’assainissement non collectif ne sont pas valorisés dans le rapport.
Ce premier panorama met tout d’abord en évidence l’organisation géographique très morcelée des services – plus marquée pour l’assainissement – avec une moyenne de 8.000 habitants desservis par service d’eau potable et 10.000 habitants par service d’assainissement, les deux tiers de la population étant desservis par des services intercommunaux. Le morcellement fonctionnel des compétences est en revanche relativement restreint. Sur les 14.217 services publics d’eau potable, plus de 88% assurent l’ensemble des étapes de la production à la distribution. Pour le volet assainissement, près de 80% des services assurent également la totalité des étapes de la collecte à l’épuration des eaux usées.
Concernant le mode de gestion, près de 70% des services d’eau potable et les trois quarts des services d’assainissement collectif sont gérés directement par la collectivité compétente. En termes de population, le rapport s’inverse puisque près de 60% de la population est desservie en eau potable par un délégataire. Le recours à la délégation concerne toutefois davantage les gros services d’eau potable. Le rapport est plus équilibré pour l’assainissement collectif, plus de la moitié de la population étant raccordée à un service géré directement par la collectivité compétente.

Une tarification disparate
Autre constat, une baisse continue de la consommation, de l’ordre de 1% par an en moyenne depuis 2000. La consommation moyenne annuelle d’eau par habitant s’établit à 54,7 m3.
Le prix moyen de l’eau potable et de l’assainissement collectif en 2009 est quant lui de 3,62 euros/m3 (dont 1,90 euro pour l’eau potable et 1,72 euro pour l’assainissement collectif), soit une facture annuelle de 434,40 euros pour une consommation de 120 m3. Ce poste de dépenses représente ainsi 1,25% du revenu disponible moyen d’un ménage. Deux tiers de la population paient une part fixe sur la facture d’eau potable. En revanche, seul un tiers de la population raccordée à un service d’assainissement collectif paie une part fixe. Le montant moyen de cette part fixe représente 21% de la facture annuelle d’eau potable (soit 45,58 euros) ou d’assainissement (soit 42,66 euros). A noter également, le prix moyen de l’eau est constitué à 85% du prix du service (90% pour l’assainissement) et à 15% (10% pour l’assainissement) de la TVA et des redevances notamment perçues par les agences de l’eau.
D’après les données de l’observatoire, le prix moyen de l’eau et de l’assainissement collectif cache toutefois des disparités importantes et ce quel que soit le mode de gestion du service. Plusieurs facteurs sont mis en exergue pour justifier ces variations : contexte des lieux de prélèvement, dispersion des habitats, activité touristique, qualité de l’eau brute ou encore exigences réglementaires environnementales. Par ailleurs, pour les services en gestion déléguée, le prix moyen est plus élevé de 15% pour l’eau potable et de 4% pour l’assainissement collectif.

Marge de progrès
Eu égard aux exigences réglementaires croissantes et au vieillissement des infrastructures, la connaissance et la gestion patrimoniales représentent un enjeu majeur pour les services publics d’eau et d’assainissement. En la matière, des progrès demeurent pourtant à faire. Pour preuve, l’indice moyen de connaissance et de gestion patrimoniale, noté sur 100 points, s’établit à 57 pour l’ensemble des services d’eau potable et à 56 pour ceux d’assainissement collectif. Le niveau de connaissance des réseaux varie peu en fonction du mode de gestion du service, mais croît en revanche avec la densité d’habitants et surtout le nombre d’habitants desservis.
L’organisation et le mode de gestion du service semblent également avoir peu d’influence sur le niveau du rendement. Le rendement moyen du réseau de distribution d’eau, qui s’étend sur 850.000 km de canalisations, s’élève à 76%. Un quart de l’eau, prélevée, transportée, traitée et mise en distribution est donc perdue. Au regard des exigences posées par la loi Grenelle 2, l’amélioration passe notamment par la réduction des fuites qui correspond à un impératif tant économique qu’environnemental. Pour rappel, la loi Grenelle 2 impose la réalisation d’un inventaire détaillé des réseaux avant la fin 2013. Dès que le niveau de fuites dépassera le seuil de 15% fixé par décret, les collectivités devront également définir des plans d’action pour améliorer le rendement de leur réseau. Parallèlement, les collectivités devront agir sur la question de l’entretien et du remplacement du réseau. Or, suivant le taux de renouvellement moyen des réseaux sur les cinq dernières années – de l’ordre de 0,61% pour l’eau potable et 0,71% pour l’assainissement collectif -, il faudrait plus de 150 ans pour renouveler entièrement les canalisations d’eau potable et remplacer le réseau d’assainissement.

Les élus locaux réagissent à la déclaration ministérielle sur l’eau
Le 14 mars, au Forum mondial de l’eau, des représentants d’élus sont intervenus pour réagir à la déclaration ministérielle prononcée la veille à Marseille.
Adoptée par les ministres et chefs de délégation des différents pays présents au Forum mondial de l’eau, la déclaration ministérielle met essentiellement l’accent sur la mise en oeuvre des obligations en matière de droit à l’accès à l’eau et a le mérite, comme l’a souligné Henri Bégorre, vice-président de la communauté urbaine du Grand Nancy, qui représentait l’Association des maires de France (AMF), de réaffirmer le rôle des collectivités locales dans la gestion de l’eau et de l’assainissement. Cette déclaration commune souligne en effet la nécessité de promouvoir dans ce domaine “des politiques intégrées entre les différents autorités locales ou régionales, en prenant en compte les interactions entre les villes et les zones rurales qui les entourent”.
La place des collectivités dans le débat politique mondial sur l’eau a aussi été à l’honneur de la 3e conférence internationale des autorités locales et régionales, qui s’est tenue les 14 et 15 mars dans le cadre du Forum. Un point a été fait sur l’avancement du Pacte d’Istanbul pour l’eau adopté en 2009 et signé par près d’un millier de collectivités. “En France, un tiers des grandes villes l’ont signé et quatre d’entre elles – Marseille, Paris, Bordeaux et le Grand Lyon – sont investies dans sa mise en œuvre”, a rappelé Michel Destot, député-maire de Grenoble et président de l’Association des maires de grandes villes de France (AMGVF).
Un autre point de la déclaration commune a également retenu l’attention des élus : la coopération décentralisée. “Si les collectivités sont présentes en nombre à Marseille, c’est pour partager leurs expériences, faire connaître les bonnes pratiques et les solutions qu’elles mettent en œuvre notamment sur le plan technique, mais aussi pour travailler sur la coopération décentralisée”, a confirmé Michel Destot. Pour rappel, depuis 2005, la loi Oudin-Santini permet aux collectivités qui le souhaitent, ainsi qu’aux agences de l’eau, d’affecter 1% des recettes propres de leurs budgets eau et assainissement à des actions de coopération décentralisée. Le Partenariat français pour l’eau (PFE), un réseau d’acteurs français de l’eau intervenant à l’étranger, défend l’idée d’étendre ce dispositif de solidarité à l’international. “L’un des atouts du dispositif est d’ouvrir le débat sur les enjeux rencontrés par d’autres territoires et d’en tirer des leçons. L’action dépasse les clivages politiques et perdure généralement même en cas d’alternance municipale”, a ajouté Michel Delebarre, le sénateur-maire de Dunkerque qui préside Cités Unies France (CUF), réseau qui organise en juillet la troisième édition du Forum de l’action internationale des collectivités.

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